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à Madagascar à leurs coreligionnaires anglais, bien des difficultés qui se sont présentées par la suite ne seraient pas seulement nées ; les querelles religieuses se déroulant désormais entre Français, catholiques et protestans se seraient disputé les Malgaches à loisir, sans que la domination française fût en jeu ; disons mieux : il pouvait naître de ces rivalités une émulation profitable à l’essor de nos écoles. Mais cette solution simple était irréalisable : le protestantisme français n’était assez riche ni en argent ni même en personnel pour assumer subitement une aussi lourde succession, et quand, sur les sollicitations répétées du ministre, il se décida à entrer dans cette voie, son insuffisance à cet égard éclata tout aussitôt, ses ressources se révélèrent médiocres, quelques-uns de ses choix furent fâcheux. Pour le même motif, on était empêché de recourir à un autre expédient, qui fut un instant examiné par le général Gallieni ainsi que par certains protestans de marque : la constitution, pour toutes les confessions en présence, d’un clergé officiel, subordonné à l’autorité civile. Outre qu’il eût été vraiment regrettable, ne fût-ce que vis-à-vis des politiciens français, d’enrayer l’expérience en cours à Madagascar d’une séparation complète des Eglises et de l’État, ni le budget de la colonie n’était assez élastique pour supporter une pareille charge[1], ni, encore une fois, le personnel protestant français assez abondant pour fournir un nombre suffisant d’instituteurs ou de pasteurs, fût-ce avec un salaire public.

Force fut donc aux artisans de la pacification de louvoyer entre les passions contraires, réprimant tour à tour l’excès des unes ou des autres, s’ingéniant à résoudre les difficultés au fur et à mesure qu’elles se présentaient, et dans la seule considération des intérêts de la domination française, s’exposant ainsi, dans la poursuite d’un équilibre instable, aux fureurs alternatives des divers partis en présence. C’est une justice à rendre aux catholiques qu’après deux ou trois semonces assez vives ils continrent leur zèle dans des limites raisonnables ; l’erreur des protestans a été que de longs mois se sont écoulés avant qu’ils aient compris que leur foi n’était pas menacée et que, cessant de se considérer comme des persécutés, ils aient consenti à laisser se produire l’action politique indispensable, sans la contrecarrer de leurs récriminations incessantes.

  1. Les missions protestantes, dans leur ensemble, dépensaient chaque année dans l’île environ 1 500 000 francs.