en ces étroites limites, à la manière du recueillement, parle d’une grandeur intime.
Les lilas, sur leur fin, balançaient, ici et là, leurs branches fleuries, dont le vent agitait les thyrses. Un peu de pluie était tombée, que la terre, les prés et toutes les feuilles rendaient en parfums humides. On entendait le murmure doux d’une source, et le règne du beau silence. Ces champs paraissaient sans culture, et en être plus purs. Une maison dans un coin, d’où partait une allée d’arbres ; et au creux du fossé, une chapelle neuve, dont les lignes sèches et les pierres trop blanches offensent la vue.
C’est là que des hommes pieux ont réuni ce qu’ils ont pu trouver qui vînt des jansénistes. Ils ont élevé cette petite église à un culte qu’ils ne s’accoutument point à croire disparu. Au pied de la chapelle, sur l’un des côtés, l’on a rangé les restes du cimetière : car la haine et la destruction ont ici porté une main si avide, que les tombes mêmes en ont été ôtées, et que les seuls débris y sont les restes de restes, les reliques de la mort, et non pas même de la vie. Une petite place sablée, close entre de faibles murailles, où des pierres tombales s’appuient, et qui semble faite pour une assemblée, s’étend devant la chapelle. Quelques degrés mènent au portail ; le dernier forme une terrasse étalée, où le feuillage et les lilas ajoutent la grâce d’une parure charmante. Où l’art admirable n’élève pas son chant, la nature seule peut parler. Quel qu’en soit le mensonge, ou la cruauté, son langage a l’unique séduction où l’on ne sait pas résister et l’accent qui persuade.
On le sent trop à la rencontre de deux bustes en bronze, sur les marches qui mènent à cette église des reliques. C’est Pascal et Racine qu’on a posés, malgré eux, sur ces degrés, pour y recevoir toute sorte de gens, de ceux dont ils eussent décliné la visite, avec le plus d’horreur peut-être, sinon seulement avec le plus d’ennui. Passe encore Racine ; et qu’on y mette aussi le grand Arnaud, si l’on y tient. Mais Pascal !… Il ne se souciait pas qu’on lui rendît un tel honneur. Si ces bustes, du moins, n’étaient que ridicules : mais ils sont d’une extrême impertinence, et celui de Pascal n’est même pas décent, tant il y manque la vraie ressemblance, qui est de l’âme ; et tant il tient de la fatuité, sûre de soi, où le modèle commun, qu’ils en ont sous les yeux, a fini par forcer les sculpteurs de ranger tous les grands hommes.