déclarez l'émancipation des noirs aux colonies, et l'esclavage est tari partout ! » La proposition de M. Passy fut prise en considération et la Chambre nomma une commission dont le rapporteur, M. de Rémusat, déposa des conclusions favorables. Ce fut là la première victoire remportée au Parlement par les abolitionnistes. Malheuseusement, la dissolution de la Chambre des députés empêcha la discussion du rapport.
L'année suivante, la question fit un second pas en avant. La Chambre des députés prit en considération la proposition de M. de Tracy, qui avait repris celle de M. Passy (12 juin 1839). M. de Tocqueville, chargé du rapport de la commission, se montra plus hardi que M. de Rémusat. Il conclut à l'émancipation générale et simultanée, comme elle avait été accomplie dans les colonies anglaises, et demanda au gouvernement d'apporter à la session de 1841 un projet d'émancipation complète. D’autre part, M. de La Charrière, président de la Cour royale de la Guadeloupe, dans son livre sur l’Affranchissement des esclaves (1836) et l'amiral Duperré dans son Précis de l'abolition de l'esclavage dans les colonies anglaises (1840-1843) préparaient l'opinion publique à accepter l'idée de l'affranchissement des esclaves, en montrant qu'il n'avait pas produit chez nos voisins les troubles et la ruine si redoutés. Mais la masse des planteurs, représentés par les Conseils coloniaux, persistaient dans leur opposition à toute mesure qui tendrait à l'abolition. L'un d'eux, celui de Bourbon, allait jusqu'à soutenir que « la condition de l'esclave était moralement supérieure et matériellement préférable à celle des travailleurs libres et que l'esclavage était l'instrument providentiel de la civilisation des noirs ! »
Le gouvernement de Juillet, placé entre l'opinion de la métropole, qui le poussait à l'abolition, et les créoles, qui évoquaient pour l'arrêter le spectre de la ruine de Saint-Domingue, était perplexe. Il sentait pourtant que la France ne pouvait pas s'isoler du grand mouvement qui tendait à l'amélioration du sort des noirs. L'attitude qu'il prit est bien rendue par ces mots d'une lettre adressée par le comte de Rigny, ministre de la Marine, aux gouverneurs de nos colonies : « Le gouvernement veut rester paisible spectateur des graves mesures que l'Angleterre vient de prendre pour l'abolition de l'esclavage dans ses colonies. Mais, pour qu'il puisse soustraire les nôtres au péril de l'assimilation, il faut entrer franchement et largement dans la voie des améliora-