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Or, un village de liberté n’est pas seulement un asile pour des fugitifs, encore moins une halte pour des vagabonds, qui reprendraient après un temps de repos leur vie nomade. Ce doit être un séjour permanent, où l’on s’efforce de faire prendre au nègre le goût de la vie sédentaire, du travail agricole et où on l’initie peu à peu à la morale et à la religion chrétiennes. Aussi la première chose à faire c’est de le marier, et de lui donner une pièce de terre à cultiver à son profit.

Il importe donc de placer ces villages de liberté près de stations de missionnaires, où le ministre du Christ puisse travailler, avec la persévérance et l’abnégation que la foi seule peut donner, au relèvement moral de ces infortunés et à l’éducation de leurs enfans. À ce point de vue, il faut signaler, au Soudan, les villages de Dinguira et de Magadiambougou, près Kita, qui sont dans le voisinage des écoles agricoles des Pères du Saint-Esprit ; au Congo, ceux de Feran Vaz et de Franceville ; dans l’Oubangui, celui de Bangui. Les Pères du Saint-Esprit, sous l’intelligente direction de Mgr Augouard, puis de Mgr A. Le Roy, ont établi, en outre, à Kayes, à Sainte-Marie de Libreville, à Bangui, des écoles professionnelles qui rendent les plus grands services[1]. Les Pères Blancs se consacrent également à cette œuvre d’apprentissage des noirs fugitifs ou affranchis, dans leurs stations de Segou-Sikoro (village de liberté), Tombouctou, Bouyé, Kati et Banankourou, au Soudan et dans celles du Sud-algérien. Un refuge serait très bien placé à Satadoungou, au sud de Kayes, sur les confins du Fouta-Djallon, qui était naguère un repaire de brigands. Ainsi, les villages de liberté, après avoir commencé par être de simples asiles d’esclaves fugitifs, deviendront, avec l’aide des missionnaires, des foyers de travail agricole et de vie morale qui porteront dans des pays jadis barbares les bienfaits de la civilisation.

Si nous venons maintenant aux captifs de case, qui forment le gros de la population noire en Afrique, nous nous trouvons en face d’un problème beaucoup plus complexe, parce qu’il dépend d’une organisation sociale très ancienne et qu’il est en rapport étroit avec les mœurs et la vie domestique des nègres. Il faut, en

  1. Il faut lire la vie du Révérend Père Allaire, missionnaire de ladite Congrégation au Congo (Paris et Poitiers), pour comprendre les services que peuvent rendre à la cause de la civilisation des hommes tels que lui, à la fois animés d’une foi héroïque et doués d’aptitudes au travail manuel et à la mécanique.