les bras de l’apôtre de l’islamisme, qui, étant de même race ou de race voisine ou métis, sait mieux s’accommoder à leurs mœurs et adapter la religion de Mahomet aux besoins de leur nature[1]. Dieu me garde de la pensée de consentir, pour lutter contre la propagande musulmane, à la moindre transaction sur les principes moraux ou les dogmes du christianisme ! Ce que je voudrais seulement, c’est que nos missionnaires catholiques ou protestans se bornassent à annoncer, à inculquer aux noirs la bonne nouvelle du salut, les préceptes moraux annoncés par Jésus-Christ, et qu’ils laissassent à l’élite des nègres le soin de les assimiler, de les adapter à leur tournure d’esprit et à leur genre de vie ! En quoi ils ne feraient que reprendre la vieille méthode de l’apôtre des Gentils, qui sut se faire tout à tous.
On raconte que, quand Livingstone fut mort à Ilala (Chitambé), trois membres de son escorte noire : Chouma, Sousi et
Wainwright, résolurent de cacher sa mort aux tribus hostiles
qui les environnaient et de rapporter son corps à la côte, parmi
ses compatriotes et amis. Triomphant, par l’affection, de leur
horreur instinctive pour le cadavre, ils embaumèrent le mieux
qu’ils purent celui du maître qui les avait instruits, nourris et
soignés, enveloppèrent la momie dans l’écorce d’un arbre et la
rapportèrent à la côte du Zanzibar, après un voyage à pied de
neuf mois, au prix de mille dangers et privations. Leur âme
naïve avait été conquise par le noble cœur de Livingstone et la
gratitude transforma ces grands enfans en héros. En lisant le récit
de cette odyssée funèbre, je me disais que l’âme nègre vaut bien
l’âme blanche. Une race capable d’un si persévérant effort mérite
la sollicitude de ses sœurs aînées. Nous devrons réaliser, pour la
sauver, le vœu du grand missionnaire mourant : Tout ce que je puis dire dans ma solitude est ceci : Dieu bénisse abondamment quiconque, Chrétien ou Turc, s’emploiera à guérir l’ulcère béant du monde !
- ↑ Forget, l’Islam et le christianisme dans l’Afrique centrale, Paris, 1900.