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de la révolution de Juillet, fait dire à M. de Metternich : « A nous deux nous maintiendrons la paix contre les anarchistes de France et les perturbateurs à l’étranger. Je me porte garant des intentions pacifiques du Duc d’Orléans. » Mais ce qu’il n’avait garde de dire lui-même, il le pensait peut-être et ne trouvait pas mauvais de le laisser dire[1].

Quoi qu’il en soit, ce fut certainement par l’effet d’une confiance de cette nature inspirée par le souvenir de leurs relations presque intimes à Vienne, que lord Aberdeen le choisit comme le premier confident de son dessein de provoquer une conférence afin de régler les affaires de Belgique, et accompagna sa proposition de détails sur ses intentions, assez confidentiels, dont il n’aurait assurément pas fait part à un inconnu. Tout en entrant pleinement dans ses intentions, Talleyrand ne craignit pourtant pas de faire connaître tout de suite par un acte public la position qu’il entendait prendre dans les délibérations auxquelles on lui demandait de s’associer. Admis à l’audience royale le 6 octobre, dans le discours qu’il adressa à Guillaume IV, il mit quelque affectation à appuyer l’union qu’il désirait faire régner entre les deux pays sur ce motif que l’Angleterre, comme la France, répudiait le principe de l’intervention dans les affaires intérieures de ses voisins. C’était toucher le point sensible, et mettre du premier mot l’Angleterre, plus qu’elle n’aurait voulu, peut-être, en hostilité directe avec les puissances continentales, qui professaient ouvertement le principe contraire et n’attendaient que l’heure favorable de le mettre en pratique. C’était, de plus, établir que la conférence ne pourrait en aucun cas aboutir à une intervention armée. On dit que le ministre, M. Mole, aurait désiré que cette déclaration fût faite solennellement par le plénipotentiaire de France à l’ouverture de la conférence. Il eût été probablement assez difficile de la laisser passer sans discussion. Deux mots placés à propos supprimaient tout débat et n’avaient pas moins d’autorité.

Un autre passage du même discours fut également remarqué.

  1. Les paroles que je cite sont tirées d’un écrit inséré dans un numéro de la Revue de France du 15 septembre 1880 et émané d’un agent qui avait effectivement, à ma connaissance, rempli plusieurs fois des missions secrètes auprès de M. de Metternich, mais son récit est trop directement en contradiction avec les pièces authentiques publiées depuis lors, dans les Mémoires de Metternich, et celles que je possède moi-même dans les papiers de Talleyrand, pour mériter confiance. Seulement, il rend fidèlement l’impression dont il avait gardé le souvenir.