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trouve un appui, à juste titre, parmi les politiciens des classes ouvrières qui ne l’ont pas inventé. Si cette marche envahissante ne se ralentit pas, c’en est fait, disait-il, de l’esprit de liberté.

Dans son rapport de 1889, M. Léon Donnat constatait la floraison du socialisme d’État en France et en Angleterre. La Suisse et les États-Unis étaient préservés de cette tendance par suite de la différence de législation. Si les mœurs font les lois, les lois exercent une influence non moins marquée sur les mœurs.

Selon la législation des États-Unis, les communes, quand elles se fondent, reçoivent une charte d’incorporation qui forme le véritable code de la cité. L’organisation municipale repose sur cette conception démocratique que les autorités municipales ne peuvent faire que ce qui leur est permis, et cette règle a pu contribuer à tenir en échec le socialisme municipal, tout en favorisant d’autres abus. L’esprit socialiste commence toutefois à pénétrer aux États-Unis, bien que les organisations spécifiquement socialistes y soient encore faibles. Le courant s’est manifesté lors de la dernière campagne présidentielle. La propagande contre les trusts, les gros syndicats capitalistes, prend une intensité toujours croissante ; on réclame l’expropriation de ces monopoles de fait. A la suite des élections de 1898, des villes de l’Ouest se sont chargées comme en Angleterre de la direction de leurs services publics. On a nommé des municipalités socialistes, et le mouvement, à mesure qu’il s’étendra, modifiera sans doute en ce sens les chartes municipales.

En Suisse, comme aux États-Unis, tout ce qui n’est pas permis aux assemblées locales leur est défendu. La loi est limitative. Les cantons jouissent de l’autonomie, et on sait à quel point certains d’entre eux, par exemple le canton de Vaud, sont allés loin dans l’application des principes socialistes en matière fiscale. Mais les communes, soumises à une sorte de tutelle administrative, ne disposent pas de la même liberté. Les fantaisies budgétaires sont tempérées par le referendum. Si, par exemple, à Berne, un édifice, un bâtiment public quelconque s’élève à un devis qui dépasse 20 000 francs, la commune est obligée d’obtenir l’autorisation des citoyens, et cela toutes les fois qu’il s’agit d’une dépense supérieure à celle inscrite au budget. Le referendum, le gouvernement direct du peuple, par voie plébiscitaire, peut être discuté en matière politique, mais il donne d’excellens résultats en matière financière : il arrête les dilapidations. C’est, aux yeux de M. Léon