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Les amiraux ne pouvaient pas admettre qu’une pareille agression restât sans réplique : on sait que quelques heures leur ont suffi pour détruire les forts et s’emparer de la ville. Mais ils avaient encore une autre raison d’agir avec cette promptitude et cette vigueur, à savoir l’impossibilité pour eux de laisser une place à l’état de guerre, entre la flotte qui servait de base à toutes les opérations sur terre, et les troupes qui avaient été débarquées. Aussi longtemps que Takou restait pacifique ou neutre, on n’avait aucune raison d’y toucher ; en revanche, dès qu’il avait fait acte d’hostilité, on devait s’en emparer. Mais, à partir de ce moment, comment se faire illusion sur la complicité du gouvernement chinois ? Elle est devenue plus incontestable encore, s’il est possible, autour de Tien-Tsin. Cette ville, la plus grande du nord de la Chine et qui contient un si grand nombre d’étrangers, a subi les assauts acharnés de l’armée régulière. Le nombre même des assaillans, les armes dont ils disposaient, les insignes dont leurs chefs étaient revêtus ne laissaient aucun doute sur leur qualité : c’est bien à l’armée impériale qu’on avait affaire. Pendant plusieurs jours, Tien-Tsin a été enveloppé comme Pékin lui-même, et nous avons cessé de savoir ce qui s’y passait. Les forces internationales qui l’occupaient étaient insuffisantes pour une longue résistance. On tremblait à la pensée de ce qui pouvait arriver. Heureusement des renforts venus par mer ont pu être débarqués à Takou et dirigés sur Tien-Tsin. Ils ont dégagé la ville et ont, immédiatement après, marché sur Pékin. A quelques kilomètres de distance de Tien-Tsin, ils ont rencontré l’amiral Seymour, enveloppé de Chinois et dans une situation qui, quelques heures plus tard, serait devenue désespérée. Les munitions lui manquaient ; il était à bout de forces. Le voilà sauvé, et c’est un grand soulagement pour nous. Mais que sont devenues nos légations à Pékin ? On avait dit qu’elles avaient rejoint l’amiral Seymour ; c’était une erreur. On assure qu’elles ont quitté la capitale ; est-ce certain ? Si elles l’ont quittée, comment l’ont-elles fait et dans quelles conditions ? A supposer qu’elles soient parties, l’ont-elles fait de leur plein gré, ou contraintes et forcées ? Dans le premier cas, leur détermination indiquerait une situation tout à fait révolutionnaire. Dans le second, il faudrait croire à une rupture diplomatique provoquée par le gouvernement chinois. Ce serait en quelque sorte une notification officielle de l’état de guerre qui résulte d’ailleurs déjà, comme nous l’avons dit, des coups de canon tirés à Takou et à Tien-Tsin.

Le gouvernement chinois veut-il donc la guerre ? S’il la veut, mieux