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menacé, y répondit par un bombardement qui incendia tout un quartier. Une délégation, arrivée en toute hâte de Bruxelles, ne put obtenir la cessation du feu que moyennant une capitulation qui préservait la forteresse de toute nouvelle atteinte. Ce déplorable incident poussait au comble l’exaspération des esprits et une injuste prévention imputait une part de la responsabilité à l’abandon précipité du prince qui, ne pouvant le prévoir, n’avait pu le prévenir.

C’était une fâcheuse complication ; le malheur, cependant, avait une compensation. En se trouvant face à face le 4 novembre, les cinq plénipotentiaires auraient peut-être eu quelque embarras à définir eux-mêmes le terrain sur lequel ils étaient appelés à se rencontrer. Les douloureux incidens d’Anvers leur fournissaient une occasion naturelle d’engager la conversation. A tout prix, avant de tenter une entreprise pacifique, quelle qu’en fût la nature, il fallait mettre fin aux violences réciproques qui enflammaient les haines, et arrêter l’effusion du sang. Une proposition, ayant même le caractère d’une sorte d’injonction, dut être adressée aux deux parties en conflit, à l’effet de mettre, par un armistice immédiatement conclu, fin aux hostilités. Les troupes respectives, disait le protocole où cette décision fut portée, doivent se retirer réciproquement dans la ligne qui séparait, à l’époque du traité du 30 mai 1814, les possessions du souverain des Provinces-Unies de celles qui ont été jointes depuis à son territoire pour former le royaume des Pays-Bas. La proposition dut être transmise à la Haye par le ministre hollandais présent à la délibération, et à Bruxelles par deux délégués, l’un anglais, M. Cartright ministre à Francfort, l’autre français, le premier secrétaire de l’ambassade, M. Bresson.

Sous une apparence inoffensive, la décision avait pourtant des conséquences morales qui ne pouvaient échapper à l’esprit perspicace de Talleyrand. D’une part, bien qu’il fût très expressément stipulé que la démarcation proposée pour la ligne d’armistice ne préjugeait rien pour déterminer plus tard la répartition définitive des territoires, le seul fait qu’on voyait reparaître l’ancienne division des provinces néerlandaises, était en quelque sorte un congé solennellement donné au système de fusion et d’amalgame qu’avaient décrété les traités de 1815. De plus, il fallut bien confier la délégation de la conférence à Bruxelles à des agens anglais et français. C’était, à la vérité, la carte forcée, car aucune