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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/349

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Indiquer les dispositions de l’Autriche dispensait Alexandre de faire connaître les siennes. À ce moment encore, la Russie et la Prusse, comme l’Autriche, étaient résolues à en finir avec les conquêtes de Napoléon, non avec sa personne ; et il leur eût suffi de rogner les ongles au lion. L’Autriche voulait s’étendre en Italie, la Prusse en Allemagne, la Russie en Orient. Les ambitions de ces puissances les rendaient en certaine mesure complices du système napoléonien. Le conquérant avait renversé nombre de dynasties anciennes, et aucune modification de l’Europe n’était pour l’effrayer ; s’il consentait à un partage de dépouilles, il y avait plus à gagnera une entente avec lui qu’à une restauration des anciens maîtres. Une de ces dynasties rappelée, c’était un ordre de choses qui renaissait, et, si l’Europe les rétablissait toutes, l’ère des accroissemens fructueux était close. La Russie était même, des grandes puissances, la plus intéressée à maintenir Napoléon. Il était le seul souverain à qui elle eût pu confier toute l’étendue de l’ambition slave, et Napoléon n’avait jugé la demande excessive que faute d’avoir trouvé une compensation suffisante pour lui-même. Il restait le seul avec qui l’on pût faire vite et grand. Recommencer Tilsitt en compagnie de cet allié devenu moins exigeant parce qu’il se sentirait moins fort, tel était le secret désir d’Alexandre et de la chancellerie russe.

Napoléon encore. Napoléon toujours, Napoléon partout ! L’homme que Louis XVIII croyait condamné par l’Europe comme ennemi public, était toujours pour l’univers, les émigrés exceptés, le plus grand des hommes, le plus redoutable des adversaires : son alliance de famille, ses libéralités, sa gloire plaidaient sa cause jusque dans le palais de ses ennemis. Et, pour ouvrir contre un tel rival une chance aux Bourbons, il fallait qu’il fût vaincu par l’Europe et qu’il fût abandonné par la France.

Qu’il fût vaincu par l’Europe, on le croyait à ce moment à Dresde. Les premières nouvelles de Lutzen annonçaient le succès des alliés, et La Ferronnays le mandait à son maître, quand on frappa à sa porte. C’est Gustave IV. Continuant à courir, sur toutes les routes de l’Europe, après sa couronne, il vient de traverser dans sa chaise de poste la bataille ; aussi seul que La Ferronnays à Dresde, il s’invite à déjeuner chez celui-ci ; au cours du repas, il raconte les phases de la lutte, la retraite des alliés, s’entrecoupant pour dire avec un petit rire fêlé : « Et ils appellent cela battre Napoléon ! » Et La Ferronnays, tandis qu’il apprenait