qui raisonne et qui comprend. Il a une courtoisie raffinée, une bonté et une aménité charmante, un tact parfait.
Il nous reçut dans une grande salle, aux colonnes de bois de tek formant véranda, d’un aspect assez simple mais ayant bon air. Comme je lui faisais compliment de sa ville de Luang-Prabang, il en reporta tout l’honneur à M. Vacle, avec une nuance sincèrement reconnaissante et une sérieuse affection. Le départ prochain du commandant supérieur le jetait dans une grande inquiétude pour l’avenir ; et je sais que, au jour de l’an 1898, il lui a envoyé en France une dépêche télégraphique avec ses souhaits de bon retour.
Tout le monde se tient prosterné sur le passage du roi et en sa présence. Autrefois c’était bien plus encore, on se traînait sur les genoux et les bras pour s’approcher de lui, car personne ne devait jamais se trouver au-dessus de Sa Majesté ; et, à moins d’être en grande cérémonie sur son trône, Sa Majesté se tenait ordinairement assise à terre sur des coussins.
Maintenant Zaccharine nous offre le thé autour d’une table à l’européenne. Sa Majesté me fait demander ma photographie. Elle y inscrira la date de ma visite, dit-elle gracieusement, pour me voir encore alors que je serai partie, et pour la conserver dans les archives du royaume, comme marque du passage de la première Européenne venue seule dans ses États. Elle ajoute aimablement qu’elle tiendra à me rendre cette première visite.
Sur ma demande de voir la reine, le roi s’est empressé avec un geste aimable de nous mener chez elle, et de nous conduire lui-même dans le grand hall de son appartement. Les cheveux coupés en brosse, il marche d’une allure très masculine, peu commune en Orient, bref, il a une belle attitude. Il se drape dans son joli sampot (écharpe pantalonnante comme au Siam) en soie bronze clair à petits dessins brodés. Ses grands bas de soie rouge cardinal remontent jusqu’aux plis du sampot. Il porte une petite veste sombre, fermée par devant avec quelques ornemens d’or, et le grand collier de commandeur de la Légion d’honneur.
La reine nous attendait en grande toilette : écharpe drapée en jupe, tissu de soie rouge et or ; veste très ornée ; innombrables bijoux, énormes anneaux crevant le lobe de l’oreille ; doigts encombrés de bagues. Elle est parfaitement laide d’ailleurs, et sa physionomie est peu intelligente. Comme je fais compliment d’une certaine écharpe de la reine, le roi nous déclare que c’est la façon