On conçoit dans quel embarras de pareilles découvertes jetaient le gouvernement.
Professer hautement à Londres le principe de non-intervention de tout État dans le régime intérieur de ses voisins, l’imposer même aux puissances qui croyaient avoir l’intérêt et le droit de se préserver d’une contagion menaçante, et en même temps à Paris, pratiquer soi-même une intervention à peine déguisée par des manœuvres indirectes de propagande, c’était une contradiction impossible à justifier. Il ne suffisait pas au ministère, assez rudement interpellé par tous les ambassadeurs, d’affirmer que l’autorité royale n’était pour rien dans l’abus de son nom ; les dénégations officielles ne satisfaisaient personne. C’était duplicité ou aveu d’impuissance : aucune des deux interprétations n’était faite pour inspirer confiance.
Entre l’une et l’autre, il y avait d’ailleurs un lieu où on n’hésitait pas, c’était à Saint-Pétersbourg ; l’impatience du tsar devant ces provocations indirectes croissait d’heure en heure : « Oh allons-nous ? disait-il à l’envoyé du roi de Prusse, auquel il reprochait la longanimité et la froideur de son souverain. On ne voit donc pas qu’il s’agit d’une cause qui est non seulement la mienne et la vôtre, mais celle de tous les souverains d’Europe, de l’Empereur du Maroc lui-même ? Charles X nous a doublement lié les mains par son parjure et son abdication : monsieur Louis-Philippe prend à tâche de nous démontrer chaque jour davantage quelle confiance on doit placer en lui : il forme des bataillons qui vont marcher sur les Pyrénées pour détrôner les Bourbons : les officiers français partent en uniforme pour préparer et exercer l’armée belge, et puis on nous déclare à la face de l’Europe que nous n’avons, nous, aucun droit de mettre ordre à ce qui se passe en Belgique. Est-ce supportable ? » Revenant ensuite sur le passé : « J’aurais voulu, dit-il, maintenir par la force des armes le principe de la légitimité, mais je ne l’ai pas fait parce que, étant le plus jeune des souverains (bien qu’ayant déjà trente ans d’âge), j’ai dû respecter une expérience plus mûre que la mienne ; mais cette patience a pourtant un terme : j’aurais pris fait et cause pour la Belgique si la modération du roi des Pays-Bas ne m’avait arrêté. » Il convenait d’ailleurs que c’était à dessein qu’il faisait