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du Grand-Orient, offraient aux méditations des Frères le couplet que voici :


Dans les périls si la patrie en larmes
Sous ses drapeaux appelle les guerriers,
Le vrai maçon, méprisant les alarmes,
A l’acacia court unir le laurier ;
Le front couvert d’une noble poussière.
Son fer sanglant dévore les soldats ;
Mais dans leurs rangs qu’il aperçoive un frère,
Il vole entre ses bras.


Encore que la théorie du service en campagne ne comporte guère les subits enlacemens célébrés par le bon chansonnier, l’Action maçonnique racontait carrément que, sous le premier Empire, la maçonnerie, « châtrée par le militarisme, » était du moins devenue, grâce au signe de détresse, « une société d’assurances contre le meurtre militaire. »

Il devenait assez anormal, dès lors, que la maçonnerie, de par les désirs de Napoléon III, vît se succéder à sa tête des grands maîtres galonnés, maréchaux ou généraux ; à la fin de l’Empire, un couvent qui fut fort troublé, confia la grande maîtrise à un civil, Babaud-Laribière, en attendant que fût supprimée cette vétusté monarchique. Félix Pyat, au grand mécontentement de Caubet, qui lui reprocha une « regrettable légèreté, » commentait en ces termes l’élection du nouveau grand maître : « Un général grand maître de la maçonnerie, c’était une farce. La destruction ne peut ordonner la construction. Enfin les Maçons ont vu la faute, et le Frère général a donné sa démission, ce dont je le remercie fraternellement. Le Grand-Orient a nommé un civil à la place du soldat. Réhabilitée maintenant, que la Maçonnerie poursuive la réforme de son ordre. » Pyat avait raison plus qu’il ne le croyait lui-même et plus que ne voulait l’avouer Caubet, en se réjouissant que la branche française d’une grande famille internationale cessât de confiera un dignitaire de l’armée le soin de ses destinées.


VI

Jean Macé, l’une des notabilités maçonniques de l’époque, se laissait écrire par ses amis, et pensait lui-même, que la Ligue de l’Enseignement, sa grande œuvre, devait hâter l’avènement de