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connues sur la place. Les plaquettes de format bizarre se sont changées en volumes de bibliothèque. Les éditions ne varietur s’entassent sur les éditions d’œuvres complètes. C’est dire que l’heure n’est plus aux promesses, aux intentions, aux programmes, aux prospectus. Le moment est venu d’établir le bilan. Il faut montrer des œuvres. L’école symboliste l’a compris, et c’est pourquoi elle publie son anthologie. Sous le titre de Poètes d’aujourd’hui[1], MM. A. van Bever et Paul Léautaud nous donnent des morceaux choisis des poètes qui, entre les années 1880 et 1900, ont travaillé au renouvellement de la poésie. L’école symboliste se présente ainsi à nous comme une école qui a accompli sa tâche, et qui a fait son temps. Elle entre dans l’histoire. Un mouvement qui a duré près d’un quart de siècle ne meurt pas sans laisser de traces après lui. Il y a donc lieu de rechercher maintenant quelles en furent les origines, les tendances, les directions, et, en esquissant ce dernier chapitre de l’histoire de notre poésie, d’indiquer ce que l’école lègue à celles qui suivront.

Les éditeurs ont consacré à chacun des trente-quatre poètes qui voisinent dans leur recueil de brèves et substantielles notices. On serait tenté de regretter qu’ils y aient conservé un certain ton rogue qui ne convient guère au rôle modeste de compilateur ; mais peut-être était-il nécessaire d’employer, pour présenter les poètes symbolistes, les mêmes façons que plusieurs d’entre eux ont affectées. Ces notices sont précieuses à consulter ; elles seront utiles aux érudits de l’avenir. Les renseignemens qu’elles contiennent méritent d’autant plus de crédit qu’ils ont été souvent fournis par les auteurs eux-mêmes. On n’est pas fâché non plus d’y apprendre en passant que ce n’est pas à Shakspeare qu’il faut comparer M. Mæterlinck, mais bien à Marc-Aurèle, et que, Mallarmé ayant été chargé d’écrire un poème pour M. Coquelin aîné, ce poème fut l’Après-midi d’un Faune. Nous y trouvons le détail des pérégrinations de Verlaine, la liste des hôtes de Mallarmé, et une nomenclature des revues auxquelles chaque poète a collaboré. Ces notices sont accompagnées d’une indication des ouvrages à consulter, d’une bibliographie et d’une iconographie. La précision et l’étendue de ces documens méritent d’être louées. Des poètes qui n’ont jamais rien publié n’en ont pas moins leur bibliographie, et telle que nous en souhaiterions une pareille à beaucoup de nos grands écrivains. Au surplus, en les rédigeant, leurs

  1. Poètes d’aujourd’hui (1880-900). Morceaux choisis, accompagnés de notices biographiques et d’un essai de bibliographie par Ad. van Bever et Paul Léautaud, vol. in-12 (Mercure de France).