un fait aussi très digne de remarque que de voir mettre sur un pied d’égalité les représentans d’une royauté et les envoyés d’un gouvernement issu d’une révolution. L’impression morale était assez forte pour qu’en recevant communication du protocole des mains du ministre anglais à la Haye, le ministre des Affaires étrangères hollandais lui dît avec vivacité : « Allez-vous déclarer aussi à l’Angleterre qu’elle doit renoncer à l’union avec l’Irlande ? » « J’espère, disait M. de Talleyrand en envoyant le texte de l’acte, que le roi sera satisfait. La signature de l’ambassadeur de Russie était précieuse à avoir, et vous l’y verrez. » « Je vous félicite, de tout mon cœur, écrivait en réponse la princesse Adélaïde, de ce résultat de la Conférence. C’est un beau et satisfaisant succès, j’en jouis doublement pour nous et pour vous, mon cher prince. Le roi est dans la joie, et il est fier du succès de l’ambassadeur de son choix. » Ajoutons que Talleyrand écrivait lui-même à Mme de Vaudemont : « J’avais bien toujours espéré rendre inutiles les armemens du maréchal Soult et ceux de la Russie. »
La satisfaction causée par cette première solution d’une affaire qui commençait à lasser la patience générale fut d’autant plus grande qu’elle coïncidait avec un autre événement qui n’était pas moins heureux et qui succédait à des jours de crainte et d’angoisse. C’était le dénouement pacifique du procès intenté devant la Cour des Pairs aux ministres de Charles X, On a quelque peine à comprendre aujourd’hui avec quelle passion toute une partie de la population de Paris, et en particulier de la garde nationale, réclamait que la peine capitale fût infligée aux ministres et surtout à l’ancien président du conseil, auteur des ordonnances de Juillet. On ne peut s’en rendre compte qu’en rappelant que jusqu’à cette époque, la légitimité de la peine de mort en matière de crime politique n’avait fait doute en France, moins encore qu’ailleurs, dans l’esprit d’aucun gouvernement et d’aucun législateur. Sans parler de l’effroyable abus qu’en avait fait la première république, les gouvernemens plus modérés de l’Empire et de la Restauration n’avaient pas cru pouvoir défendre leur pouvoir sans recourir à plusieurs reprises à cet acte de justice exemplaire. Les cris de : Mort aux ministres partis ! des rangs des légions de service retentissaient sur le passage des Pairs de France se rendant à la Cour, et on disait couramment qu’ils ne les traverseraient pas une seconde fois en sécurité s’ils faiblissaient dans l’exercice de leur mandat : ne pas traiter en criminels les violateurs de la Constitution,