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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/500

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constant, et, à côté de l’amour, le devoir, avec le prétendu « cauchemar » de la justice.


III

Non moins que les vertus dites privées, les vertus publiques seront toujours indispensables. Quelque perfectionné que soit l’ordre social, justice et bienfaisance subsisteront sous leur forme morale, avec la liberté et la responsabilité qu’elles impliquent. Une des conséquences les plus funestes de l’intervention de l’État, quand elle dépasse les limites de la nécessité, c’est précisément de diminuer la responsabilité individuelle. On peut en voir des exemples dès aujourd’hui, quand il s’agit du contrat de travail. Si l’entrepreneur est gêné par une réglementation étroite, il se trouve enclin à rejeter sur l’Etat toute la responsabilité dont il était forcé auparavant d’assumer une partie. Les résultats de la loi Plimsoll en sont, — parmi cent autres lois, — une preuve convaincante. La loi Plimsoll fut établie en Angleterre pour protéger la vie des marins contre le danger que leur faisaient courir des armateurs. Ceux-ci se montraient trop portés à diminuer, par les moyens les plus condamnables, le prix du fret, en employant des navires mal construits ou trop chargés. Aucune intervention, assurément, n’était mieux fondée. Or, il résulte des enquêtes faites par le Board of Trade que cette loi a présenté, dans la pratique, plus d’inconvéniens que d’avantages. Elle a supprimé complètement la garantie de responsabilité, — si restreinte qu’elle fût, — des armateurs. Cette responsabilité, en l’absence de loi interventionniste, aurait pu, par une sévère administration de la justice, être rendue plus réelle et plus efficace. La loi Plimsoll, en outre, n’a pu être intégralement appliquée, par suite du contrôle plein de menus détails qu’elle exigeait. Il eût fallu, pour la faire observer dans sa lettre, une armée de fonctionnaires[1]. On voit combien il est difficile d’assurer la plus simple justice sociale ; que serait-ce donc si l’Etat prenait à sa charge l’administration de tous les biens et intérêts collectifs, la surveillance de tous les travaux, la distribution de tous les produits ?

La justice pénale, elle aussi, ne serait pas sans courir des dangers

  1. Voyez M. André Liesse, La Question sociale.