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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/638

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Phornute, et ce que d’iceux Politian a dérobé ? Si le croyez, vous n’approchez ni de pieds ni de mains à mon opinion, qui décrète icelles aussi peu avoir été songées d’Homère que d’Ovide, en ses Métamorphoses, les sacremens de l’Evangile ? » Mais, en ce cas, que signifie cet autre passage où, quelques lignes plus haut, il nous recommandait l’exemple du chien « rencontrant quelque os médullaire ? » « A l’exemple d’iceluy vous convient être sages pour fleurer, sentir et estimer ces beaux livres de haulte gresse... puis, par curieuse leçon et méditation fréquente, rompre l’os et sucer la substantifique moelle. » De quel os parle-t-il ? et de quelle moelle ? S’il semble qu’il y ait bien là quelque contradiction, va-t-elle au fond ? ne se joue-t-elle qu’à la surface ? comment se résout-elle ? Et, avant de chercher à toutes ces questions une réponse dans l’œuvre de Rabelais, n’est-il pas bon ou même indispensable de la demander à l’histoire de sa vie ? Au Rabelais de la légende, inventé d’après son œuvre et, comme nous l’avons dit, pour en être la ressemblance, n’est-il pas utile de substituer d’abord le Rabelais de la réalité ? et, au lieu qu’on a demandé jusqu’ici la connaissance de l’homme à la lecture ou à l’interprétation de son œuvre, n’est-il pas naturel d’essayer d’éclairer l’intention de l’œuvre parle moyen d’une connaissance plus précise de l’homme et de la vie ?

On sait qu’il naquit à Chinon, en Touraine, dans une province alors plus française qu’une autre, mais on ne connaît avec certitude ni la date de sa naissance, — qu’on a placée en 1483, 1490 et 1495, — ni la condition de son père : Thomas Rabelais, dont on a fait tantôt un apothicaire, tantôt un cabaretier à l’enseigne de la Lamproie ; et encore moins saurait-on dire si ce fut de lui-même, par vocation et par choix, ou pour obéir à sa famille, qu’il revêtit la robe du franciscain. Ce qu’il y a de certain, c’est que la première trace que nous trouvions de lui, dans un acte de 1519, est la mention de son nom parmi les capucins du couvent de Fontenay-le-Comte, en bas Poitou, département actuel de la Vendée. Puis, nous le perdons de vue pendant quatre ans, et il ne reparait qu’en 1523, où nous le voyons solliciter, au nom des bonnes lettres, l’appui de Rude, le grand humaniste, — et l’un des huit maîtres des requêtes de l’hôtel du roi, — contre la persécution des moines ses confrères. Il a dès cette époque une réputation d’helléniste, et on le trouve emphatiquement loué, en 1524, dans la préface d’un traité du savant André Tiraqueau : De