homme d’un mérite supérieur et d’une loyauté parfaite, d’une incontestable fidélité à son souverain, mais il paraissait, avec quelque raison, investi d’une mission ingrate ; il ne pouvait, au cours de la négociation, se montrer conciliant sous peine d’être suspect, et son intervention semblait à la fois singulière et inutile. C’est ainsi que le Congrès, aussi bien par la conviction de son ascendant moral que par suite de ses dispositions personnelles envers les représentans de la Turquie, avait été entraîné à agir sans tenir compte d’une résistance prévue peut-être, mais qu’il croyait négligeable et transitoire. Il n’avait donc aucun doute sur la légitimité non plus que sur le succès de son entreprise, lorsque après avoir élucidé les affaires des Bulgares, des Roumains, des Bosniaques et des Monténégrins il aborda, le 5 juillet 1878, dans sa treizième séance, l’examen des frontières turco-grecques.
Le texte de l’ordre du jour indiquait simplement l’étude de l’article 15 du traité de San Stefano, relatif, comme je l’ai déjà dit, aux institutions locales que le Sultan accordait à ses sujets hellènes. Mais l’assemblée l’abandonna aussitôt, et, sans s’occuper de ce texte insignifiant, entra de plain-pied dans l’ordre d’idées tout autrement intéressant qu’elle avait en vue, c’est-à-dire dans l’examen d’une nouvelle répartition des provinces limitrophes. Le programme de la délibération était réglé d’avance : il avait été convenu que la France, en sa qualité de Puissance protectrice et, de plus, comme auteur du document qui avait admis les délégués de la Grèce à présenter leurs demandes, prendrait l’initiative d’une proposition formelle et exposerait les motifs et les grandes lignes de la modification territoriale qu’il serait expédient de déterminer.
M. Waddington, notre ministre des Affaires étrangères, prit donc la parole dès que la séance fut ouverte. J’ai concentré au protocole, en lui conservant sa forme oratoire, sa chaleureuse improvisation. Il obtint ce brillant succès qu’une assemblée accorde toujours à l’expression éloquente de sa propre pensée. Après s’être défendu de toute intention défavorable à la Turquie, il déclara que l’intérêt de la paix générale exigeait une rectification de frontières ; que la Grèce ne pouvait pas vivre dans