bouclés avaient séduite ; Lizzie, il faut se lever. On va venir chercher notre mobilier tout à l’heure. J’ai perdu. Je paie...
L’Anglaise écouta en silence. Elle connaissait le gaillard, depuis cinq ans qu’ils étaient mariés. Il lui en avait fait voir ! Elle se leva, se vêtit, habilla ses deux enfans, puis, les prenant par la main, s’en alla sans un mot, sans même se retourner. On ne sut jamais ce qu’ils étaient devenus.
— Vrai ? Et qu’est-ce qu’il a dit, Roslyn ?
— Ce n’est pas un méchant homme. Il fut très affecté de cette disparition. Même, il mit des annonces dans les journaux, promettant une bonne récompense à qui lui indiquerait le lieu de retraite de sa femme. Au bout d’un mois, ne voyant rien venir, il prit Sacramento en exécration et décida d’en partir.
C’est alors qu’ayant entendu dire que notre ville prenait beaucoup d’extension, que c’était maintenant le port par où sortaient les bois de l’Orégon et les grains du Far-West, il vint ici s’établir marchand d’hommes. Vous savez que c’est le plus rude métier qui soit ; que cette racaille de matelots de tous les pays, quand ils ont bu, sont capables de tout ; mais, bah ! Roslyn n’a peur de rien, il ferait n’importe quoi pourvu qu’il puisse ramasser assez d’argent pour faire sa partie. Il n’y a que cela pour lui. On dit qu’un jour, au Mexique, l’auberge où il jouait fut secouée par un tremblement de terre. Tous les joueurs filaient affolés, lui ne bougea même pas ; il continuait à fumer sa pipe.
— Enfin, tant mieux s’il gagne quelques centaines de piastres avec le capitaine italien !
— Dans huit jours, il les aura reperdues ! ... Non seulement il tripote les cartes, mais il spécule sur tout. Certes, il a du flair, le gaillard, mais pas l’ombre de patience. L’an dernier, il avait acheté une bonne concession de mine, mais il s’en est dégoûté trop vite. Il l’a revendue à un Canadien qui, lui, est en train d’y récolter une fortune.
— Je sais, mais il est le premier à en rire, car il ne tient pas absolument à l’argent ; ce qu’il recherche avant tout, c’est des émotions.
— Alors, avec la vie qu’il mène, il est servi à souhait !
Le soir même du jour où Roslyn avait conduit toute sa bande à bord du Città, il invita le capitaine italien à dîner. On s’en fut à la taverne, où Roslyn, grand mangeur et fort buveur, commanda un menu soigné. On allait s’en donner !