au passif, lequel atteignait le chiffre de 30 000 piastres. Comme ils le lui reprochaient, Roslyn riposta, avec son flegme ordinaire, qu’il suffisait d’attendre l’arrivée du Città di Messina à Liverpool, et que, ce jour-là, les assurances de San Francisco régleraient 40 000 dollars, ce qui paierait tout le monde. Il lui resterait même, comme il disait, de quoi « faire le garçon. » Donc, il fallait ne toucher à rien, le laisser en paix, et ne pas « braire comme des ânes. »
Mais les créanciers sont d’ordinaire gens peu patiens. Aussi réclamèrent-ils, d’une seule voix, la vente à l’encan des frusques, du mobilier, de l’auberge, et des créances du marchand d’hommes.
Roslyn rentra chez lui furieux.
Le soir même, il se rendait chez un brasseur nommé Chambers, son principal créancier. A peine dans la boutique, Roslyn déclarait à Chambers qu’il lui laissait le choix ou d’une balle dans l’œil ou de prendre l’engagement de le laisser tranquille. Chambers, homme avisé et riche, tenait à son œil. Il y tenait même énormément. On causa, le brasseur se faisant raconter par le menu comment le marchand d’hommes avait eu l’idée de spéculer sur la vie du capitaine. Roslyn parlait bien ; au bout d’un quart d’heure, le créancier fut tout à fait convaincu. Il réclama seulement une petite commission de dix pour cent sur la somme à toucher de l’assurance, moyennant quoi, il s’engageait à décider, de gré ou de force, tous les autres créanciers à se taire.
Puis, un beau matin, un télégramme reçu par les assureurs leur apprit à la fois la bonne arrivée du Città à Liverpool, la disparition de son capitaine, et le verdict très catégorique du jury déclarant Molfredo mort par accident. La somme à payer était lourde, mais, puisqu’il faudrait quand même y venir, quelle belle réclame que de payer très vite ! L’assurance s’exécuta.
Aujourd’hui Roslyn est riche, mais ces gens de Portland, qui ont douté de son étoile, le « dégoûtent. » Il va partir pour le Klondyke, où il compte ouvrir un Music-Hall monstre.
MASSON-FORESTIER.