galbe que ses fanatiques affirmaient pouvoir reconnaître, entre vingt autres, la femme habillée chez lui.
Lorsqu’une mode nouvelle réussit, c’est chaque fois une branche industrielle qui se crée ou qui ressuscite. La mousseline de l’Inde, dont Bernardin de Saint-Pierre avait vêtu sa Virginie, reprit ainsi faveur au milieu de ce siècle ; mousseline si nuageuse que la pièce passait par une bague d’enfant, si légère qu’il en fallait cent mètres pour peser deux livres. Puis, après une longue éclipse aussi, reparurent les lampas, les velours ciselés, malgré les répugnances des belles dames qui ne voulaient pas, disaient-elles, être vêtues comme des meubles. Ce fut, pour la fabrication lyonnaise qui languissait, le point de départ d’initiatives hardies. La Picardie trouvait, il y a quelques années, dans le succès des jupes « cloche, » dont chacune exigeait cinq mètres de crin, l’emploi rémunérateur d’une masse de bras ruraux à la mise en œuvre de ce produit précédemment oublié. Le public souvent résiste : contre le goût du drap, de la tenue anglaise et de la chemisette économique, très préjudiciable au luxe, de grandes maisons ont sourdement fait campagne, jusque dans la presse quotidienne ; mais sans résultat.
« L’art du costume, me disait un couturier plein de son sujet, est régi par deux sortes de lois également impérieuses, les lois générales de l’esthétique et les lois particulières du vêtement. Leur ensemble constitue une théorie compliquée, dont l’homme qui connaît son métier à fond se pénètre avec un soin spécial. La part de l’innovation doit y être en parfait équilibre avec la part de la tradition, pour offrir quelque attrait imprévu qui pique et charme le regard. La revue des modes du passé est pour nous ce qu’est, pour le peintre, l’examen de l’œuvre des maîtres disparus ; elle fait revivre à nos yeux une foule de formes et de combinaisons oubliées ; elle nous révèle le secret des mille raffinemens qui ont servi à embellir les femmes des autres siècles, vivifie notre invention personnelle et nous empêche de nous engourdir dans les formules du présent.
« C’est aussi une mine de renseignemens où l’on puise des idées à pleines mains. L’imagination, la mémoire, ne fournissent pas toujours à point nommé ce qu’on désire. Alors les documens nous viennent en aide, on y trouve presque à coup sûr un ajustement, un ornement analogue à celui qu’on rêve et qu’il nous suffit d’adapter.