Hollande. Les moutons nous arrivent de plus loin : on les importe tout tannés des Indes. Quant aux chèvres et chevreaux, dont les grands marchés sont Londres et Marseille, c’est par la Turquie, l’Egypte, les Balkans qu’ils nous sont fournis. Les plus chers sont ceux de Kazan. La cordonnerie de luxe joint aux cuirs ordinaires l’antilope, le kangourou, le marsouin, au grain particulièrement lisse, le poulain, plus souple que tout autre, plus coûteux aussi, parce qu’on n’emploie qu’une partie prise sous la croupe, suivant une méthode dont les Russes gardèrent longtemps le secret.
À ces dépouilles animales se marient parfois d’autres substances : Romorantin eut, pendant vingt années, le monopole du façonnage des talons en bois pour bottines genre Louis XV ; nulle part, comme en Autriche, on ne sait tirer parti du carton pour donner de l’apparence aux semelles des chaussures bon marché ; enfin les vieux souliers, lorsque après avoir passé de pieds en pieds, ils terminent, au sein des choses innomables, leur laborieuse et kilométrique carrière, ne sont pas encore tout à fait perdus. Tantôt on les met en pâte pour former un cuir factice, qui se dissimulera en certains coins invisibles des souliers neufs ; tantôt, après les avoir assouplis dans l’eau et dépouillés de leurs clous, qui se vendent à part, on y taille à l’emporte-pièce des empeignes de souliers d’enfans.
Avant d’être mises en œuvre, les peaux sont traitées de bien des manières, tannées ou « mégissées ; » ces dernières, trempées avec leur poil dans un bain de chaux, puis enduites d’une pâte sèche, d’un « habillage » fait avec des blancs d’œufs, de l’alun et de la farine, dont elles s’imprègnent et se « nourrissent. » Pour certaines préparations, comme celle du chevreau, les États-Unis rivalisent aujourd’hui avec la France, qui en avait naguère la spécialité. La nature et le travail créent, dans chaque sorte, des qualités multiples, dont les unes, creuses ou veineuses, valent moitié à peine des meilleures, sans défaut.
L’homme du métier reconnaît, à l’aspect du plus petit morceau de cuir, de quelle partie de l’animal il est tiré. Du reste, les diverses parties d’une même peau servent à divers usages : les semelles, par exemple, se font en vache, sauf pour les très grosses chaussures ; mais la partie extérieure vient du « croupon » et la partie intérieure du ventre. Celle-ci est généralement du cuir « scié, » divisé en plusieurs épaisseurs, dont la carrosserie achète