rapports diplomatiques le progrès en histoire naturelle, car pareille objection n’aurait jamais pu être faite au bon vieux temps où l’on définissait ainsi le homard : « poisson rouge qui marche à reculons. » En réalité, sinon les Anglais en général, du moins les Anglais qui habitent Terre-Neuve nous voient d’un œil impatient et jaloux pêcher sur la côte Nord de leur île et ne manquent jamais l’occasion de nous manifester leur mauvaise humeur. En attendant mieux, ils se vengent platoniquement en dénommant la partie de côte qui nous est réservée la soi-disant côte française (so called French-shore) ; mais le traité d’Utrecht reste pourtant en vigueur.
Il faut bien constater que la pêche sur le French-shore, qui, dans le principe, était très florissante, et qui, à une époque relativement récente, occupait encore plus de 1 000 marins, tend de plus en plus à diminuer, alors que la pêche du banc augmente tous les jours. La raison dominante de ce fait est incontestablement que, pour le moment du moins, la morue donne plus sur le banc que sur le French-shore ; mais c’est précisément pour cela que, sous prétexte d’un appauvrissement de la côte, il serait souverainement imprudent, — même en échange d’une compensation sérieuse, — de nous dessaisir de nos droits sur le French-shore ; car, le courant de morue étant essentiellement capricieux et changeant, il peut parfaitement se faire qu’à un moment donné le précieux butin, délaissant le banc et se portant vers le Nord, vienne rendre à nos établissemens leur ancienne prospérité.
Nos pêcheurs du French-shore mouillent leurs navires dans les baies et ne vivent plus à bord pendant la période de pêche. Ils élèvent à terre avec des planches des bâtimens de fortune, dits chauffauds ; c’est là qu’ils habitent et que chaque jour ils manipulent la morue au retour de la pêche, qui se fait généralement à la senne comme sur notre littoral méditerranéen.
Les neuf dixièmes au moins de nos pêcheurs de Terre-Neuve exploitent le banc, et, pour donner une idée de l’activité de la pêche dans ces parages, rappelons qu’en moyenne, par an, nos pêcheurs y captent 136 millions de morues.
Sur le banc, après avoir jeté l’ancre, les équipages mettent à l’eau des embarcations à fond plat, remarquablement légères et faciles à manœuvrer, des doris qui, d’autre part, pouvant s’empiler à bord comme des soucoupes, sont de ce fait très peu encombrantes. Le doris est d’origine américaine ; c’est vers 1865