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ressource qui aurait pu être utile au commencement d’un autre règne. Les passions sont restées de part et d’autre très exaltées, comme le prouvent les invites que M. Sonnino a adressées au ministère de reprendre la politique de combat du général Pelloux. M. Saracco a repoussé les armes dangereuses qu’on lui offrait. Mais que fera demain le roi Victor-Emmanuel ? On a cherché dans son manifeste, sans l’y trouver, l’indication de ses idées politiques. On avait tort de l’y chercher, et il a eu raison de ne pas l’y mettre. Un ministère peut faire un programme ; encore savons-nous à quel point il est vain généralement ; mais un roi ne peut pas engager tout un règne, et, lorsqu’il a dit qu’il respecterait les lois constitutionnelles et les libertés publiques, il a épuisé tout ce qu’il avait à dire. Ce n’est pas à ses discours qu’il faut attendre Victor-Emmanuel III, mais à ses actes. Le ministère actuel, présidé par un vieillard octogénaire, n’a jamais été regardé que comme un ministère d’attente : il ne saurait être définitif. Quels seront les prochains ministres du jeune roi ? Avec quelles idées arriveront-ils au pouvoir ? On se le demande en Italie, non sans quelque impatience. On a parlé d’une trêve des partis ; mais tout le monde a le sentiment qu’elle sera dans les mots beaucoup plus que dans les choses, parce qu’elle n’est pas dans les cœurs. En réalité, aucun parti n’est disposé à désarmer, même provisoirement. Victor-Emmanuel III aura un lourd fardeau à porter. Il pourra, au moins pendant quelque temps encore, se borner à continuer au dehors la politique adoucie que son père avait adoptée dans ces dernières années ; mais, au dedans, il devra prendre des résolutions personnelles et rapides. C’est là que les partis l’attendent.


Si l’horreur que nous cause le crime de Monza avait pu être augmentée, elle l’aurait été par la sinistre parodie que Saison en a faite à Paris. Heureusement, le shah de Perse a été préservé, et nous en avons été quittes pour une émotion que lui-même n’a pas paru éprouver. L’impassibilité dont il a fait preuve est la marque d’une grande force d’âme : ce souverain est un homme. Sa vie était pour nous doublement précieuse et sacrée, puisqu’il était notre hôte et que nous avions la charge de sa sécurité. Quelle n’aurait pas été notre douleur, si, malgré la plus grande vigilance, les coups de l’assassin avaient porté ? Il ne faut pour cela que la surprise d’un moment, et cette surprise peut se produire dans tous les pays du monde. La Perse elle-même n’en a pas été exempte, puisque le prédécesseur du shah actuel a été victime d’un meurtre. Mais au moins le meurtrier persan avait ou