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reste celui de l’avoir tenté. C’est particulièrement au commandant de la flotte, à Bompard, qu’en appartient le mérite.

Maintenant l’Anglais nous bloque étroitement ; il croise dans l’Yroise et garde le passage du Raz. Nous avons d’autant moins l’espoir de passer, que notre tentative d’hier l’a fait redoubler de vigilance et de précautions ; nos moyens maritimes sont insuffisans pour l’éloigner de Brest. Il n’y a plus que le gros temps d’équinoxe qui puisse nous en débarrasser.

D’après ces considérations, permettez-moi, Citoyen Ministre, de remettre sous vos yeux le projet que je vous ai soumis dans ma première dépêche. Si j’insiste, c’est que je crains que ceux qui me précèdent (en supposant qu’ils aient débarqué) n’agissent à contresens des intentions du Directoire. Ils sont isolés ; chacun d’eux se croit maître de faire ce que bon lui semble, et il n’y a, sur les lieux, personne pour les diriger ou les contenir.

Je vous prie de bien peser ce que j’ai l’honneur de vous dire et de songer sérieusement au résultat.

J’attendrai vos ordres avec une impatience égale à mon désir de réussir.


11 fructidor (28 août).

Ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’on s’est pressé de faire partir la petite division que j’avais à Rochefort[1] avec le général Humbert, avant de savoir si nous étions en mesure ici, et que je crois Humbert arrivé. Cela dérange totalement mon plan de campagne et va entraver mes opérations. Je connais Humbert et je crains que tout ne soit bouleversé quand j’arriverai. J’ai envoyé un courrier à Paris, pour témoigner au Gouvernement mes craintes à ce sujet. Si les choses ne réussissent pas comme j’avais lieu de l’espérer dans le principe, le Gouvernement n’aura aucun reproche

  1. La division de Rochefort, comprenant trois frégates : la Concorde, capitaine Papin ; la Franchise, capitaine Guillotin ; la Médée, capitaine Coudein, et une corvette, la Vénus, capitaine Senez, mit à la voile le 4 août. Son chef, Savary, réussit à débarquer, le 22, au nord-ouest de l’Irlande, dans la baie de Killala, le général Humbert, 2 adjudans-généraux. Fontaine et Sarrazin, 1 150 soldats français et 3 pièces de campagne. Un millier d’insurgés se joignit aux libérateurs. Humbert, sans attendre son général en chef, courut aux Anglais, les battit à Castlebar, le 27 août, et se rendit maître du comté de Connaught. Il avait déjà prescrit la levée en masse et organisé un gouvernement provisoire, lorsque lord Cornwallis vint, avec 15 000 hommes, lui demander une revanche. Humbert battit en retraite vers la côte, et après une série de combats glorieux, il fut enveloppé et vaincu, le 8 septembre à Ballinamuck. Les Anglais eurent des égards inaccoutumés pour le général et les 844 Français qui survécurent à cette héroïque folie. Les insurgés irlandais se dispersèrent.