peut-être avait-elle le pressentiment qu’elle ne verrait plus son « bien-aimé général. » Cette séparation fut plus cruelle que les autres, et c’est dans les larmes que s’acheva leur roman d’amour conjugal, après quatre années d’un bonheur sans nuage.
Rennes, 26 brumaire (17 novembre).
Leclerc n’ayant cheminé qu’à petites journées, à cause de sa femme qui ne supporte pas la voiture, notre voyage s’est fait très lentement. Je suis arrivé à Rennes hier, à deux heures. Bernadotte a donné un grand dîner, suivi d’un petit bal, pour faire ses adieux à Mme Leclerc, cousine de sa femme. Le ménage me précède ; il vient de partir, il y a une heure ; de sorte que je ne pourrai continuer ma route que ce soir, faute de chevaux. Pour peu que ce train-là continue, je ne serai pas à Brest avant trois jours. Si je l’avais prévu, je serais resté plus longtemps près de toi. Je pourrai recevoir ta réponse, car nous ne sommes pas encore prêts. Je t’écrirai jusqu’au moment de mettre à la voile.
A bord de la Révolution, en rade de Brest.
8 frimaire (29 novembre).
Nous nous attendions à quitter la rade ce matin. Le vent est bon ; mais l’amiral Villaret-Joyeuse ne le trouve pas assez fixé. Il est possible que nous soyons encore ici dans trois ou quatre jours. J’ai diné, hier, à bord du vaisseau-amiral, où se trouvent le général en chef et sa femme. Elle se plaint déjà de migraines, de maux de cœur. Elle parle de Paris avec un intérêt qui fait croire qu’elle le regrette beaucoup. Elle a cependant un très joli appartement sur le vaisseau l’Océan ; mais cela ne vaut pas son boudoir de la rue de Courcelles. Et puis (entre nous soit dit), je crois que la petite madame s’écoute beaucoup et prend quelque plaisir à se plaindre.
Elle et son mari me font toujours mille amitiés ; Leclerc m’a dit et promis les choses les plus flatteuses. Je tâcherai de conserver leurs bonnes grâces.
16 frimaire (7 décembre).
Le temps est affreux, le vent contraire : impossible de sortir !
Toussaint-Louverture n’a pas pu faire accepter sa constitution. Pendant qu’il l’envoyait en France pour la faire sanctionner par le