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Elle sait lire dans nos yeux
Nos angoisses les plus secrètes,
Ses attentions sont discrètes,
Ses gestes sont silencieux.

Elle nous dit : « Soyez tranquilles.
— « Mes bras chauds vous tiendront blottis, —
« Et n’allez pas, vous, les petits,
« Vous mêler aux clameurs des villes. »

Lorsque nous rêvons, assoupis
Dans une vague lassitude.
Elle marche, la Solitude,
A pas très lents sur le tapis.

Elle aime la clarté des lampes.
Et parfois, quand nous travaillons,
Elle nous frôle, et nous croyons
Sentir son souffle sur nos tempes.

Et, les soirs mauvais et nerveux
Où le mal de vivre nous blesse,
Elle baise nos fronts et laisse
Glisser ses mains dans nos cheveux.


PRINTEMPS


L’hiver est chassé par le vent.
Avril renaît. La feuille pousse.
Et quelque chose de vivant
Frémit dans chaque brin de mousse.

Mille insectes qu’on ne voit pas
Rôdent dans la verdure grise,
Et sous mes pieds, à chaque pas,
Je sens une herbe qui se brise.

Et je m’égare lentement
Le long de la sente suivie,
Avec le vague sentiment
Que je marche sur de la vie.