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1er juillet.

Repos dominical. Repos relatif, cela va de soi. A la mer, tout est fatigue : fatigue latente, quelquefois, mais qui se traduit toujours par une usure plus rapide. En tout cas, point de dimanche pour les chauffeurs et mécaniciens ; nulle trêve pour eux que ce sommeil lourd, écrasé, où je les vois tomber pêle-mêle, sur le pont, dans les coins de la batterie, après leurs quatre heures de quart dans la fournaise.

Un contre-torpilleur, qui a rempli hier et cette nuit diverses missions spéciales à bonne vitesse, se fait ravitailler en charbon par les six cuirassés d’escadre. La mer est belle, mais il y a une houle lente et longue qui le fait rouler beaucoup. Chaque cuirassé lui envoie un canot plein de charbon choisi, remorqué par une embarcation à vapeur. L’opération est menée rondement, malgré le roulis qui secoue le Gypaète. Cependant un cuirassé est en retard. Le commandant en chef en fait l’observation par un signal à bras. L’intéressé, qui a été pris à l’improviste, déclare qu’une demi-heure de préparation lui eût été nécessaire. En effet, sauf les baleinières de sauvetage qui restent toujours suspendues au-dessus de l’eau par leurs bossoirs spéciaux, en dehors du navire, les embarcations sont, quand on prend la mer, disposées sur des chantiers placés en dedans.

Si la Foudre était là, ce serait son affaire de ravitailler le Gypaète. Mais, depuis le passage du détroit, elle est partie avec les torpilleurs d’escadre. Que font-ils ? Où sont-ils ? C’est le secret de l’état-major d’armée.

Au reste, beaucoup de mouvemens de navires légers. De jour, de nuit, on les voit paraître et disparaître... ils sont utiles, décidément. Autrefois on ne l’aurait pas cru.


2 juillet.

La jonction des escadres.

Un jour gris, des bancs de brume, un ciel crachineux et maussade.

D’assez bon matin l’escadre légère s’est portée en avant à la recherche de l’escadre du Nord ; nous approchons en effet du point fixé pour le rendez-vous. Vers 8 heures, un petit croiseur, le Linois, signale à l’amiral commandant en chef que le croiseur cuirassé Bruix, de l’escadre du Nord, s’est mis en relations avec le Pothuau, que monte le commandant de notre escadre légère.