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Allons ! vivent les gardes-côtes ! Ce qu’ils gardent sera bien gardé, s’il plaît à Dieu : l’honneur militaire et la côte de France !


18 juillet. — Les fêtes.

Voilà que ça commence. Et ça commence, naturellement, par une corvée : nous mouillons deux ancres à jet qui nous permettront de nous tenir « évités » l’avant vers l’Ouest, quels que soient le vent et le courant ; il s’agit de former pour la revue navale de belles et larges avenues parallèles que parcourra l’Élan, suivi de son cortège.

Les chaloupés sont en branle, le « maître, » entouré de ses seconds, distribue d’un air imposant et digne la besogne à ses gabiers affairés ; les gros câbles montent du fond de la cale, avec les orins et les bouées. C’est tout l’appareil de la vieille marine qui réapparaît, qui sert toujours, d’ailleurs, et dont on aura toujours besoin...

Personne ne chôme, cependant. Voici les torpilleurs penchés sur leurs circuits d’illuminations, les timoniers sur leur grand pavois, les canonniers qui disposent leurs pièces et leurs munitions à blanc pour les saints, pour le combat de nuit. Toute la ruche est en rumeur, tandis que l’ordonnateur de tous ces mouvemens, l’officier en second, médite, en compagnie du capitaine d’armes, son bras droit, sur le « passage à la bande » qu’il faudra exécuter demain dans l’après-midi.

Et la fête vénitienne ? ... On s’en occupe aussi. Les patrons des canots, les charpentiers, les voiliers s’empressent autour de L***, l’officier de manœuvre, chargé des embarcations. « Qu’est-ce que vous allez faire, quel genre de décoration ? ... — Chut ! — c’est un secret. Vous verrez ça demain. »


3 h. 45. — Le moment solennel est arrivé. Le canon du Roule tonne et de sourds échos se prolongent dans l’étroite vallée de Quincampoix. Aussitôt la rade entière se pavoise au signal du Bouvet. C’est magique et l’effet est prenant, comme de tous les mouvemens d’ensemble bien exécutés.

« En voilà pour 36 heures de bamboula !... » dit entre haut et bas le gabier Potrel, le loustic attitré de l’équipage. Je le regarde sévèrement, malgré une forte envie de rire, et mon farceur se dissimule derrière un camarade avec un air honteux qui ne me trompe guère.