À ce point de vue, la lettre de l’amiral Seymour a peut-être plus fait pour la bonne entente des deux pays que tous les travaux des diplomates. Ces travaux viennent de l’esprit, tandis que la lettre de l’amiral semblait venir tout droit du cœur.
Il nous restait, toutefois, à savoir ce que notre corps expéditionnaire avait fait à Pékin. Y était-il arrivé avec les autres ? Quel y avait été son rôle ? Quelle partie de l’œuvre commune avait-il remplie ? Sur tous ces points les premiers télégrammes anglais étaient muets, et c’est seulement au bout de dix jours d’attente, mêlée de quelque anxiété, que nous en avons enfin reçu un du général Frey. Alors le rideau s’est levé. Notre part dans la prise de Pékin et dans la délivrance des Européens n’a été inférieure à aucune autre : elle a été digne du courage de nos soldats, de l’intelligence et de l’esprit d’initiative de leur chef. Le général Frey avait depuis longtemps fait ses preuves ; on savait ce qu’on pouvait attendre de lui ; on ne doutait pas qu’au jour décisif il serait au premier rang. Nous nous réjouissons doublement de son brillant succès, car le général Frey est un de nos collaborateurs, et les lecteurs de la Revue savent qu’il pense et qu’il écrit aussi bien qu’il agit. Nos soldats, conduits par lui et secondés par le contingent russe, se sont bravement emparés de plusieurs portes de la ville. Mais ils ont fait plus. A la suite d’un combat de rues long et difficile, au milieu de barricades défendues obstinément par les Chinois, ils sont parvenus enfin au Pétang et ont délivré les missionnaires et les chrétiens qui, avec Mer Favier, avaient subi un siège de deux mois. Ce sont là évidemment les chrétiens dont parlait M. Pichon dans le télégramme où il refusait de quitter Pékin avec une escorte chinoise : il aurait dû pour cela, disait-il, abandonner deux cents chrétiens à une mort certaine ; il préférait partager jusqu’à la fin leurs dangers, quel qu’en fût le dénouement. On est heureux de lire dans le télégramme officiel du général Frey qu’à peine mis eux-mêmes en liberté, M. Pichon et les membres de notre légation se sont joints à lui et n’ont pas cessé de marcher à ses côtés. Cette attitude courageuse et vraiment française leur fait honneur. « A la légation française, avait déjà dit le général Frey, le moral est parfait. » Il y a eu à coup sûr, au moment des délivrances qui ont rempli la journée du 15 août, des scènes touchantes dont nous ne connaissons pas encore les détails, mais dont il est facile de deviner le caractère. Au milieu des atrocités chinoises, les civilisés d’Occident se retrouvaient, se reconnaissaient, se tendaient la main. On tremble à la pensée de ce qui serait arrivé si les troupes internationales étaient restées en route, ou si elles avaient dû