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à ses alliés. Que si vraiment il a profité de ces leçons et de ces exemples, il y aura en Italie quelque chose de changé.

Humbert Ier, en effet, fut le représentant le plus loyal, le serviteur le plus accompli, d’une conception politique qu’exprimait une maxime fameuse en son archaïsme : « Le roi règne et ne gouverne pas. » A l’abri de cette formule, des souverains comme Louis-Philippe gouvernaient en ayant seulement l’air de régner : tant elle comporte d’échappatoires, et tant il est difficile, — parce que, prise au pied de la lettre, elle est absurde, — de l’appliquer avec une parfaite correction. Mais ce sera dans l’histoire la marque d’Humbert Ier de s’être fait un point d’honneur de cette impeccable observance. Il ne connut qu’une défaillance à cet égard, et ce fut une défaillance héroïque, où il risqua sa vie. Le choléra sévissait à Naples ; Humbert Ier s’y attardait ; Depretis, son ministre, le conjurait de revenir à Rome : « Dites au Parlement, lui répondit-il, que le roi vous a dit : Je resterai. » Le Bon Roi n’admettait point qu’une Chambre ou qu’un ministre lui défendit d’être bon. Ce fut la seule incartade de sa souveraineté : il la commit au nom du dévouement.

Un collaborateur d’un périodique militaire, qui aimait beaucoup Humbert, vient d’essayer un savant parallèle entre lui et César : il explique que l’un et l’autre avaient le même âge lorsqu’ils s’illustrèrent par les grandes actions dont on garde la mémoire, et que tous deux, hélas ! moururent au même âge, victimes d’un crime analogue, et portant une série de blessures dont la seconde seule, chez l’un comme chez l’autre, avait été mortelle. Tout en respectant ce parallèle un peu superstitieux, on lui doit reprocher d’être une atteinte à l’originalité propre d’Humbert Ier.

Il a régné vingt-deux ans parmi les luttes des partis, luttes d’autant plus acerbes qu’elles portaient souvent sur des questions de personnes beaucoup plus que sur des questions d’idées ; d’autant plus pénibles que, plusieurs de ces vieux partis étant en décomposition, elles ressemblaient à des soubresauts d’agonie ; et d’autant plus ingrates, enfin, qu’elles n’étaient jamais décisives. La personnalité du roi s’effaça si scrupuleusement parmi ces luttes qu’elle échappa aux nombreuses haines qui en furent le fruit : la haine de Bresci fut un cas d’exception, comme l’est la folie. Il semblait qu’Humbert Ier cherchât moins à être l’arbitre des partis en conflit qu’à être, véridiquement, sincèrement, le