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l’action d’une mystérieuse chimie politique, un perpétuel travail de combinaison ou d’amalgame.

Tout ce travail s’opérait au profit de la race hellénique, qui cependant, dans les provinces d’Europe comme dans celles d’Asie, était dans le même état d’infériorité numérique que dans l’antiquité ou dans l’âge contemporain. Même aujourd’hui, le nom de « Romains » se perpétue dans la Roumélie, quoiqu’elle soit devenue presque entièrement bulgare, et dans le « pays de Roum, » quoique l’Asie-Mineure soit devenue presque entièrement turque.

Tandis que la Rome italienne n’a régné sur le monde occidental que pendant cinq ou six siècles, la Rome byzantine survécut à celle-là pendant près de mille ans, qu’elle put employer à consolider sur l’Europe orientale la prépondérance de l’hellénisme. Les Grecs avaient pris ainsi une telle avance sur toutes les races rivales qu’il semblait impossible qu’aucune d’elles pût jamais lui disputer la suprématie. C’est pourtant ce qui se produisit ; sur leur propre domaine ethnographique et politique, le droit à l’empire, le droit même à l’existence leur furent âprement contestés.


II

Si l’on examine aujourd’hui une carte ethnographique de la péninsule des Balkans, même en assignant à celle-ci pour limites le Danube et la Save, au lieu d’une teinte uniforme consacrant le triomphe de l’hellénisme, on a sous les yeux la plus étrange bigarrure. Négligeons la teinte qui révèle la présence d’une population turque attestant la conquête ottomane de 1453. Les populations helléniques se présentent à nous en deux masses principales : l’une occupe la région qui cerne Constantinople ; l’autre couvre le royaume actuel de Grèce, avec ses dépendances insulaires. Ces deux grandes agglomérations, autour des deux métropoles de Byzance et d’Athènes, seraient totalement isolées l’une de l’autre si, le long des rivages de la mer Egée, il ne courait comme un mince cordon de population grecque, par Salonique et la presqu’île à triple pointe de Chalcidique, par le littoral de la Macédoine.

En sorte qu’en dépit des chances d’expansion que lui assura pendant mille ans la puissance romaine mise au service de