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L’APOSTOLAT[1]

La plus grande misère de l’homme n’est pas la pauvreté, ni la maladie, ni l’hostilité des événemens, ni les déceptions du cœur, ni la mort : c’est le malheur d’ignorer pourquoi il naît, souffre et passe.

Dissiper ce mystère a été le souci universel et passionné des siècles.

La lumière a été demandée aux philosophies et aux religions.

Dès les premiers jours, et partout où les sociétés se formèrent, des foyers furent allumés par la raison humaine au milieu de ces ténèbres. L’Egypte, l’Inde, la Chaldée, la Perse, la Chine, la Grèce, Rome, ouvrirent tour à tour des écoles de sagesse, où l’on essayait d’expliquer la vie. Malgré la différence des races, des lieux et des âges, ces écoles se combattirent moins qu’elles ne se complétèrent[2], et leurs langues diverses redirent la même doctrine.

Des temps si éloignés que nous ne savons rien de leur histoire nous ont transmis leur pensée. Les légers et indestructibles papyrus enfermés dans des cercueils gardent le témoignage que, trente

  1. Un important ouvrage en six volumes sur l’Histoire des Missions catholiques au XIXe siècle, est en préparation à la librairie Armand Colin. La conclusion sera écrite par M. Ferdinand Brunetière. La préface a été faite par M. Etienne Lamy, sous ce titre : l’Apostolat, nous en donnons les premières pages.
  2. C’est la conclusion manifeste de l’ouvrage de M. Jacques Denis : Histoire des théories et des idées morales dans l’antiquité (2 vol. Auguste Durand, Paris, 1856). L’auteur synthétise toute sa pensée dans ce vers de Lucrèce qui lui sert d’épigraphe :
    « Et quasi cursores vitaï lampada tradunt ».
    « L’homme est un, la vie morale est une, quoiqu’elle soit dans un perpétuel mouvement ; c’est le flambeau que les générations se passent les unes les autres en courant. » Préface.