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Néanmoins les surprises du scrutin sont fréquentes. Le vieux proverbe italien qui veut que « celui qui entre pape au conclave en sorte cardinal » trouve son application dans les Conventions américaines, et tel candidat dont la place était marquée d’avance à la Maison Blanche s’est vu, dans le conflit des compétitions, préférer un concurrent obscur (dark horse), que la modestie de son passé protégeait plus efficacement contre les jalousies qu’éveille une trop grande illustration.

La nomination de M. Mac-Kinley, désigné à Saint-Louis en 1896 au premier tour de scrutin par 661 voix contre 240 données à l’ensemble de ses concurrens, constitue un fait assez rare, justifié toutefois par l’importance exceptionnelle qu’avait prise la question des tarifs, dont il était le champion le plus autorisé. Celle de M. Bryan, choisi en 1896 à Chicago, au cinquième tour, par la majorité démocratique, rentre au contraire dans la catégorie des surprises électorales que nous signalions tout à l’heure. Une physionomie sympathique, une éloquence naturelle servie par une voix dont l’éclat métallique semble avoir exercé sur l’assistance une sorte de magnétisme ont décidé d’une victoire que nul ne prévoyait la veille, pas même peut-être l’heureux vainqueur. Un phénomène analogue s’était produit en 1880. Le général Garfield, qui s’était chargé de soutenir, dans la Convention républicaine, la cause du sénateur Sherman, l’avait fait avec une chaleur si communicative qu’électrisée par son discours la majorité de l’assemblée l’acclama comme son candidat et que son nom sortit finalement le premier du scrutin.

Les deux partis ayant décidé cette année de maintenir les mêmes candidats qu’en 1896 la question s’est trouvée très simplifiée, mais le triomphe ne s’affirme parfois qu’après une lutte de plusieurs jours, qui donne lieu aux plus émouvantes péripéties. Franklin Pierce, qui a occupé la présidence des Etats-Unis de 1853 à 1857, n’avait été nommé par la Convention démocratique de 1852 qu’après trente-six votes successifs. Il en avait fallu cinquante-trois pour décider de la nomination de son concurrent républicain.

L’élection du candidat présidentiel est suivie immédiatement de celle du candidat à la vice-présidence, qui s’effectue dans des conditions identiques. Quoique cette seconde élection soit loin d’avoir l’importance de la première, puisque le vice-président n’est appelé à l’exercice effectif du pouvoir qu’en cas de décès du