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des votans et celui où la machine électorale est montée avec le plus de perfection, mais qui, par le chiffre de sa population, ne représente en somme que la onzième partie de l’Union. Il nous semble toutefois que, dans ces évaluations, on a fait une place trop restreinte aux contributions privées. Il se trouve toujours aux États-Unis, en temps d’élection, de richissimes capitalistes disposés à aider de leurs millions une candidature qui se réclame de leur appui et pour jouer, ne fût-ce qu’en syndicat, le rôle de Warwicks présidentiels. L’Amérique n’est pas seulement le pays des grosses fortunes, c’est celui des larges donations et la générosité des donateurs s’étend même à la politique.

Le clergé, dont l’ingérence dans les questions électorales s’accorde mal avec nos idées, jouit au contraire à cet égard, aux États-Unis, d’une complète indépendance d’action, qui s’explique d’ailleurs tout naturellement par le fait que ne tenant pas son existence légale du Gouvernement il est libre de toute attache administrative. Quoique son intervention s’exerce plus généralement d’une façon occulte et officieuse, il lui est loisible, à l’occasion, de faire de la chaire une tribune, sans que les partis paraissent s’en offusquer, pour recommander aux fidèles la cause qui a ses préférences.

On trouvera ci-après un exemple de ces prédications politiques, noté pendant la campagne présidentielle de 1896. Il s’agit d’un sermon prononcé dans une église baptiste de New-York contre la candidature de M. Bryan. Nous nous bornerons à en traduire la conclusion[1] :

« La chaire chrétienne ne peut rester plus longtemps silencieuse quand d’aussi graves questions morales sont en jeu… Personnellement, les deux candidats sont également honorables. Mais l’un est jeune et inexpérimenté, l’autre est dans la force de l’âge, de l’expérience et de la sagesse et a déjà fait ses preuves… Je suis ici pour mettre le patriotisme chrétien en garde contre les doctrines de Chicago, qui encouragent l’esprit d’anarchie et mettent en péril l’unité sur laquelle est fondée la grandeur de la République américaine… Quelles qu’aient pu être dans le passé vos affiliations de parti vous voterez tous contre des principes aussi néfastes. »

  1. Le texte intégral de ce sermon a été donné le 20 juillet 1896 par le New-York Herald.