On lit dans le Journal d’un Poète, sous la date de 1835 : « Il m’est arrivé ce mois-ci trois choses heureuses : Emile Péhant, placé à Vienne comme professeur de rhétorique. Sauvé. — Chevalier[2], marié par amour, si heureux. — Léon de Wailly[3] a hérité de 500 000 francs, dit-on. Que les autres soient heureux, au moins, leur vue me fait du bien ! »
Quel était cet Emile Péhant qu’Alfred de Vigny se réjouissait en ces termes de savoir sauvé ? D’où venait-il ? Qu’a-t-il fait ? qu’est-il devenu ? C’est ce que je voudrais conter aujourd’hui, car son nom ne dit pas grand’chose aux générations nouvelles, et tout ce que les biographies du temps nous apprennent à son sujet, c’est qu’il prit part avec la bande des Jeune-France à la grande bataille romantique.
Si jamais pays fut capable d’exercer une influence morale sur l’esprit d’un poète-né, c’est bien la presqu’île guérandaise. Impossible de trouver le long de la côte bretonne une langue de terre d’un aspect plus sauvage et d’une désolation plus morne. Encore le littoral a-t-il perdu beaucoup de son caractère depuis que les