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où ils lutteront avec beaucoup de courage et d’honneur, non pas pour remporter une victoire impossible, mais pour maintenir leurs principes et leur drapeau. C’est seulement dans quelques années qu’on rendra aux uns et aux autres la justice qu’ils méritent. Le gouvernement montre lui-même, par la hâte un peu fébrile avec laquelle il court aux élections, qu’il considérerait comme imprudent de les ajourner à l’année prochaine ; non pas que la fortune des armes puisse aujourd’hui être changée, mais parce que la liquidation matérielle de la guerre sera pénible, lourde, onéreuse, et qu’il est préférable de ne pas attendre cette épreuve pour demander au pays sa confiance.

En Autriche, la situation a un caractère bien différent. Le gouvernement parlementaire y est en proie à la plus redoutable des maladies. Le pays lui-même, de quelque manière qu’il vote, est impuissant à l’en relever, puisque le caractère de la crise est que la minorité refuse de se soumettre à la loi de la majorité et y fait obstacle par l’obstruction, c’est-à-dire par la force. L’empereur a essayé successivement de tous les ministères : aucun n’a résolu une difficulté insoluble. Cela n’a servi qu’à gagner du temps. Si on a pu croire que le pays finirait par se lasser de ces agitations stériles et qu’il donnerait tort à ceux qui les ont suscitées, les premières manifestations de la lutte électorale font craindre qu’on ne se soit trompé. Ce sont les hommes les plus modérés des partis en présence qui se déclarent fatigués, découragés, dégoûtés, et qui désertent l’arène pour céder la place à de plus violens. Il n’y a pas de symptôme plus grave en politique. Aussi, l’avenir apparaît-il très incertain. Ni en Angleterre ni en Autriche, les élections ne semblent devoir modifier la situation présente, si ce n’est pour l’accentuer et l’aggraver C’est un inconvénient que l’Angleterre est de force à supporter, mais qui pourrait bien, en Autriche, sans mettre en péril, comme on le dit quelquefois, l’existence même du pays, modifier profondément les institutions qui le régissent, et substituer quelque combinaison nouvelle au dualisme dont la vertu semble épuisée, après plus de trente ans de paix intérieure et de liberté.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIERE.