Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/817

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
813
L’ASTRONOMIE EXPÉRIMENTALE

périence instituée sur le lac de Genève lui permit de reproduire artificiellement les mêmes raies, et d’en démontrer ainsi, sans réplique, l’origine terrestre. Un grand bûcher de sapin ayant été allumé au bord du lac, à Nyon, la lumière de la flamme fut analysée dans le clocher de l’église de Saint-Pierre, à Genève. Or cette flamme qui, de près, ne donne aucune raie, sinon la raie jaune du sodium, présentait, à la distance de 21 kilomètres, les raies telluriques. Le lac Léman avait été choisi comme base d’expérience, afin que le faisceau lumineux, en rasant la surface de l’eau, traversât des couches d’air saturées d’humidité, ce qui devait ajouter aux chances de succès. C’est surtout dans le rouge, l’orangé et le jaune que les raies atmosphériques furent trouvées très nombreuses et très fortes.

C’était là un beau travail d’astronomie expérimentale, accompli entre les rives d’un lac suisse ; nous allons voir M. Janssen le terminer dans une usine de la Compagnie du gaz. Il restait, en effet, à découvrir les élémens de l’atmosphère qui produisent cette forte absorption, cause des raies telluriques. Il était déjà probable que cette action devait, en grande partie, être attribuée à la vapeur d’eau ; mais il fallait le démontrer par une expérience directe. Un premier essai, tenté en 1865, dans l’atelier central des phares, avec un tube de 10 mètres rempli de vapeur, n’avait pas donné le résultat qu’on attendait. Enfin, au mois d’août 1866, l’expérience fut reprise à l’usine de la Villette, avec un tube de fer de 37 mètres, qu’une machine de six chevaux remplissait de vapeur. Le tube fut placé dans une caisse garnie de sciure de bois afin d’en empêcher le refroidissement ; la lumière était fournie par des becs de gaz. Cette lumière, dont le spectre est d’ordinaire continu, montrait les principales raies telluriques lorsqu’on la faisait passer par la colonne de vapeur de 37 mètres, à la pression de 7 atmosphères. On avait ainsi sous les yeux le spectre d’absorption de la vapeur d’eau, et aussi la preuve du rôle que cette vapeur joue dans la production des raies telluriques. Chose curieuse, malgré l’extinction de certaines nuances du rouge et du jaune, ce spectre est très brillant du côté du rouge, et il prouve que la vapeur d’eau est de couleur orangé rouge par transmission, ce qui explique la couleur rouge du soleil couchant.

Par la découverte du spectre de la vapeur d’eau, M. Janssen a rendu possible la connaissance de l’état hygrométrique des couches