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mettaient leur transport à dos d’hommes. On arriva malgré tout ; et pendant la nuit qui suivit le jour des préparatifs, le ciel s’éclaircit ; dans la matinée du 15, le Soleil se leva radieux, par un temps splendide comme on n’en avait pas encore vu dans l’année. M. Janssen put instituer une série continue d’observations depuis 10 heures du matin jusqu’au coucher. Dans son spectroscope à plusieurs prismes, il suivait, avec l’élévation du soleil, la décroissance d’intensité des bandes et des raies de l’oxygène : quant aux bandes et aux raies de la vapeur d’eau, elles étaient absentes, comme on l’avait prévu. Les bandes sombres de l’oxygène avaient aussi fini par disparaître, et les raies qui s’y trouvent associées s’étaient notablement affaiblies. On pouvait conclure de ces résultats que le spectre de l’oxygène disparaîtrait aux limites de l’atmosphère terrestre : il ne nous arrive pas du Soleil. Cela prouve-t-il que l’oxygène manque dans le globe solaire ? C’est là une autre question qui ne peut encore être tranchée ; il est possible, après tout, que l’oxygène se rencontre dans le Soleil sous une forme différente de celles que nous lui connaissons.

Les conclusions auxquelles M. Janssen s’était arrêté en 1888 furent pleinement confirmées par les observations qu’il put faire, quelques années plus tard, à l’occasion de deux ascensions au sommet du Mont-Blanc (1890 et 1893) ; puis, encore tout récemment, par les photographies spectrales que M. le comte de La Baume-Pluvinel réussit à obtenir à la même station, en septembre 1898. Enfin M. Janssen les a corroborées par une expérience faite au mois de mai 1889, entre la tour Eiffel et Meudon. La couche d’air interposée entre cette tour et l’observatoire de Meudon est sensiblement équivalente, au point de vue de l’absorption, à notre atmosphère, car la distance est de 7 700 mètres, et c’est là, à peu de chose près, l’épaisseur qu’aurait l’atmosphère si elle était comprimée de manière à présenter une densité uniforme, égale à celle des couches inférieures. En faisant passer à travers cette masse d’air une puissante lumière à spectre continu, on devait y voir apparaître les raies telluriques. La lumière électrique, installée au sommet de la tour et analysée à l’observatoire de Meudon, a donné en effet un spectre d’une vivacité comparable à celle du spectre solaire, et dans lequel on distinguait nettement les raies A, B de l’oxygène, et les raies de la vapeur d’eau. Les conclusions relatives à l’origine des raies telluriques du spectre solaire ont été ainsi vérifiées près du sol et à toutes les altitudes