Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/849

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un étranger, membre de l’Internationale, mourut à Toulouse, sous la dictature de Duportal ; alors les délégués des clubs arborèrent la bannière rouge ; Duportal, sur la tombe, rendit solennellement « à la terre, mère incréée de l’éternelle humanité, le corps inanimé de cet intrépide champion de la pensée libre et du drapeau républicain ; » et une péroraison, à longue échéance, sur « le terrestre paradis de la République universelle, » atténua la lugubre désespérance de ces paroles d’adieu.

Avant-coureur de la République universelle, aussi, ce singulier citoyen Train, que l’on vit émerger à Marseille, en octobre 1870, exubérant d’optimisme et d’emphase. Américain d’origine, il enflamma la Canebière. « A Berlin ! à Paris ! » criait-il à la cantonade. Il fallait de la poudre, des balles, des fusils ; il se chargeait d’en fournir, d’en faire venir des Etats-Unis ; car nos ambassadeurs, impérialistes et par conséquent mauvais Français, devaient arrêter les munitions… Et l’Alhambra, au nom de la démocratie, remerciait cet obligeant comparse.

Ce fut l’honneur de Gambetta, lorsque son césarisme, à Tours, commença d’asseoir la République, de se dérober, virilement, aux préjugés et aux chimères de ses amis politiques, et de faire prévaloir contre les exigences de leur esprit de système une politique réaliste, instrument du salut national. L’Assemblée de Versailles lui put reprocher de n’avoir jamais perdu de vue l’intérêt républicain ; le fait était exact, mais était-il légitime d’en tirer un grief ? Gambetta avait peut-être le droit d’identifier avec la France cette forme innomée de République, qui, en face de l’étranger, représentait la France. En revanche, malgré les proclamations de Gambetta sur la levée en masse, la vieille doctrine républicaine, également soucieuse d’abaisser l’altitude des frontières et le prestige des généraux, fut peu à peu congédiée.

Le 9 octobre, il arrivait à Tours, et déjà certaines mouches du coche, messagères de la République universelle, bourdonnaient autour de son impatiente activité : il y avait là Garibaldi, et quelques députés républicains d’Espagne. Un futur député de Tours, Armand Rivière, escorté d’une délégation, présentait à ces hérauts de la liberté les hommages de la démocratie tourangelle : il saluait en Garibaldi « le grand citoyen de la République universelle, qui a le plus contribué à l’affranchissement de la pensée humaine, en préparant la chute du pouvoir temporel des prêtres ; » il flétrissait « cette chose infâme, qui s’interposait entre