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ferons. » Ainsi s’exprimait Gambetta, le 9 octobre, dans sa proclamation aux citoyens des départemens. Homme d’action trop accompli, cependant, pour immoler l’intérêt national à l’observance de certaines doctrines, et les traditions militaires à la « tradition de la République, » il ne tarda pas à répudier l’enfantillage, dont il avait lui-même, en juillet 1870, donné la formule au Corps législatif : « Faire une guerre républicaine. » Une guerre républicaine, qu’était-ce à dire ? Si ce terme avait un sens, il eût signifié je ne sais quelle unanime défiance contre les chefs militaires du second Empire, et la conviction naïve que des citoyens brusquement armés et à demi exercés emporteraient infailliblement la victoire, et l’indifférence ou le mépris à l’endroit de « l’instruction des troupes, de leur cohésion, de leur esprit militaire. » Or, Gambetta, dans le discours qu’en 1872 il prononça pour glorifier Hoche, vanta précisément, avec une sorte d’affectation, l’estime que faisait Hoche de ces conditions indispensables de la victoire ; il osa prononcer le mot d’ « esprit militaire ; » et, pour partager cette estime, il n’avait pas, lui Gambetta, attendu 1872.


VI

Avec Gambetta, la République naissante confondant son propre salut avec celui de la patrie, songeait médiocrement à devenir universelle. Tout en amenant au pouvoir les hôtes des congrès de Genève, de Berne, de Lausanne, ou les créatures de la maçonnerie internationale, elle se présentait comme un régime d’action patriotique et ne donnait point lieu de craindre que la défense nationale et la défense républicaine fussent un jour dissociées. Cette autre forme de République qui, sous le nom de Commune, s’essaya brusquement à Paris, ne fut pas moins complexe en ses origines : le patriotisme y crut avoir sa part ; l’humanitarisme international eut la sienne, bientôt prépondérante. La proclamation du 30 mars 1871, par laquelle le Comité central de la fédération de la garde nationale remit ses pouvoirs à la Commune nouvellement élue, dessine en traits assez nets le double idéal dont la Commune leurra les imaginations parisiennes : d’une part, elle bravait les espions de Versailles en leur offrant « le spectacle grandiose d’un peuple reprenant sa souveraineté et, sublime ambitieux, le faisant en criant ces mots : Mourir pour la patrie ! » Et, d’autre part, elle concluait :