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que de vaines protestations. La gravité de la circonstance exigeait une franchise entière, des explications qui fussent des engagemens, une profession de foi qui liât le protestantisme ; et c’est ainsi que, parti d’une intention purement politique, il se trouva comme entraîné à écrire un traité de doctrine.

La composition de l’ouvrage est très simple. Il se divise en quatre livres, le premier : Qui est de connaître Dieu en titre et qualité de Créateur et souverain gouverneur du monde ; le second : Qui est de la connaissance de Dieu en tant qu’il s’est montré Rédempteur en Jésus-Christ ; le troisième : Qui est de la manière de participer à la Grâce de Jésus-Christ ; des fruits qui nous en reviennent et des effets qui s’ensuivent ; et enfin le quatrième : Qui est des moyens extérieurs ou aides dont Dieu se sert pour nous conduire à Jésus-Christ son fils, et nous retenir en lui. Mais ces titres, un peu généraux, et surtout d’aspect un peu théologique, ne disent pas suffisamment l’ampleur, la richesse, la diversité de l’œuvre ; ils n’en dessinent que le squelette ou l’armature ; et c’est pourquoi les commentateurs ou les critiques, sans méconnaître ni discuter les raisons de la disposition adoptée par Calvin, l’ont tous ou presque tous assez librement modifiée, selon l’objet qu’ils se proposaient. Les théologiens, comme l’auteur de l’Histoire des variations, ont réduit l’essentiel du livre aux trois points de la foi justifiante, de l’inamissibilité de la justice, et de l’Eucharistie. Les philosophes, — dont on peut dire qu’en général, et à l’exception de quelques rares déterministes, ils sont tous pélagiens ou semi-pélagiens, — n’en ont communément retenu, pour y tout rapporter, que la doctrine de la « Prédestination. » Et nous, à notre tour, n’ayant l’intention de l’examiner que du point de vue de l’histoire de la littérature ou du mouvement des idées, nous y chercherons successivement les idées philosophiques, les idées morales, et les idées politiques ou sociales de Calvin.

Philosophiquement donc, ce que s’est proposé l’auteur de l’Institution chrétienne, ç’a été, non pas du tout d’atténuer ou, comme on dit aujourd’hui, de minimiser le dogme, et d’en rendre l’incompréhensibilité plus accessible à la raison, mais de le débarrasser des commentaires de la scolastique, des surcharges de la tradition, et des interprétations d’une autorité, d’après lui tout humaine, pour le ramener à la pureté de son institution primitive. Ou en d’autres termes encore, plus objectifs : il y a une