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allemand. Il faudrait, avant d’agir, savoir ce qu’on veut faire ; avant de se mettre en mouvement, savoir où on veut aller. Mais cela nous ramène à la politique. Elle a été, pendant ces dernières semaines, plus hésitante et plus contradictoire que jamais.

S’il en a été ainsi, le gouvernement allemand y a bien eu quelque responsabilité dans le passé. Nous en avons exposé trop souvent les motifs, et avec assez de franchise et de liberté, pour n’avoir pas besoin d’y revenir : nous aimons mieux dire qu’il a fait depuis de louables efforts pour dissiper les premières appréhensions qu’il avait fait naître. Nous en étions restés à la première dépêche de M. le comte de Bulow, dont le seul point original consistait à exiger de la Chine qu’avant l’ouverture de toute négociation, elle livrât aux puissances, comme auteurs présumés des massacres, les criminels que celles-ci désigneraient. C’était aller à une guerre certaine et interminable. M. de Bulow a expliqué par la suite qu’on avait mal compris sa dépêche, parce qu’elle contenait, étroitement mêlées et enchevêtrées il faut l’avouer, deux choses différentes, à savoir certaines idées un peu théoriques qu’avait le gouvernement allemand, mais qui lui étaient personnelles et qu’il n’entendait imposer à personne, et la simple énonciation du fait que les vrais coupables devaient être punis, que les représentans des puissances devaient les mettre en cause, enfin que ces mêmes représentans devaient s’assurer que les châtimens encourus seraient proportionnels aux crimes commis et réellement infligés. Dès lors, tout le monde se retrouvait d’accord. Les propositions allemandes, ainsi dégagées de tout alliage, correspondaient à ce qu’on peut appeler le bon sens universel. Il n’y avait plus d’objection à y faire. L’impression favorable qu’on en a ressentie avait été en quelque sorte préparée par une lettre de l’empereur d’Allemagne à l’empereur de Chine. Si Guillaume II avait toujours tenu un langage semblable, peut-être aurait-il moins ébloui les esprits, mais il les aurait certainement plus rassurés, Il a parlé cette fois avec la gravité qui convient à un chef d’État, avec tact, avec mesure, avec force. Aussi a-t-il recueilli une approbation unanime.

Cependant tout ce qu’il y avait à dire n’avait pas encore été dit ; ou plutôt, si tout avait été dit, c’était à des momens différens et sans beaucoup d’ordre. On se trouvait en présence de propositions dispersées, qu’il y avait utilité à rapprocher les unes des autres et à coordonner. M. Delcassé l’a pensé, et, sans aucune prétention personnelle, il s’est contenté de réunir, pour les remettre ensemble sous les yeux des puissances, les idées que tantôt l’une et tantôt l’autre avaient