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autour du maître, ils répètent machinalement, en langue fiote, les principes du catéchisme. Il faut d’abord qu’ils sachent par cœur ces choses qu’ils ne comprennent pas ; on cherche ensuite à les leur expliquer. Saisissent-ils alors ? Il est permis d’en douter sur bien des points, car enfin, les mots eux-mêmes n’existent pas dans leur langue pour exprimer nos idées abstraites. Cependant je ne pus qu’être satisfait de la réponse d’un petit boy interrogé devant moi sur le but de Jésus-Christ en venant sur la terre. « Lui être venu, répondit l’enfant, pour les boys ne plus faire de « palabres entre eux. » Or « palabrer, » c’est disputer et l’on ne pouvait mieux interpréter le Pax hominibus bonæ voluntatis !

Les missions jouent un rôle important dans l’Etat, qui se montre très large à leur égard. A plusieurs ordres religieux, — pères de Scheut, pères blancs, trappistes, prémontrés, pères du Sacré-Cœur, rédemptoristes et jésuites, — l’Etat a dévolu certaines régions où ils font œuvre d’aumôniers auprès des blancs, et de missionnaires auprès des noirs. Ils catéchisent ceux-ci et les forment d’après des systèmes assez différens les uns des autres, car, s’ils sont d’accord sur les principes, ils ne le sont pas toujours sur leur application. Quand, par exemple, faut-il admettre au baptême le noir qui le demande, mais dont l’instruction religieuse se brouille en toute occasion avec des instincts primitifs et sauvages ? Quand faut-il marier ces hommes et ces femmes qui n’avaient aucune idée de l’importance du mariage, ni de l’égalité morale de la femme, dont le prix sur les marchés était jusqu’à ce jour la seule valeur et la seule vertu ? Ces problèmes sont loin d’être résolus, et chaque congrégation présente un champ d’expériences dont il n’y a pas lieu encore d’apprécier les fruits. Comme les enfans pris très jeunes offrent les meilleures garanties, c’est à eux que s’adresse la sollicitude de l’Etat en confiant aux missionnaires ceux dont il dispose. Orphelins ramassés au hasard des combats contre les Arabes, ou enlevés aux trafiquans d’esclaves, ou recueillis dans les villages abandonnés à la suite de guerres, ils sont envoyés dans la colonie scolaire installée près de Boma sous la surveillance des pères de Scheut. Je n’ai pas manqué d’aller visiter ces 400 enfans dont on fera plus tard soit des soldats, soit des ouvriers. Ils portent l’uniforme et je les vis manœuvrer sous la direction d’un sous-officier blanc, maniant avec crânerie leur petit mousqueton, faisant l’exercice, puis défilant devant nous, musique en tête, aux sons de la Brabançonne. Ils apprennent