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L’ÉCOLE DU TROCADÉRO


I

Encore quelques heures, et l’Exposition aura fermé. Est-ce la dernière ? Nous le souhaitons. On ne donne pas deux fois certaines fêtes. Aucune exposition, dans tous les cas, n’aura jamais porté, comme celle-là, le caractère d’une exception. On ne l’avait pas seulement voulue universelle, mais unique, et son but officiel, hautement et solennellement annoncé, était d’être un enseignement. Enseignement dans les arts, dans l’industrie, dans la pédagogie, dans l’ethnologie, dans la sociologie ; enseignement agricole, scientifique, maritime, militaire, commercial, économique ; enseignement dans toutes les branches de la civilisation et de la vie. Ce but, l’a-t-on bien toujours atteint ? Nous a-t-on bien donné, sur tous les points, la leçon qu’on nous avait promise ?… Nous l’examinerons en matière d’exotisme, car l’exotisme n’était pas une des petites parties de l’Exposition. Il y abondait, y fourmillait, et nous l’y retrouvions à chaque pas. Temples hindous, gourbis sauvages, pagodes, souks, ruelles algériennes, quartiers chinois, japonais, soudanais, sénégaliens, siamois, cambodgiens : c’était un bazar de climats, d’architectures, d’odeurs, de couleurs, de cuisines et de musiques. Et tout cela voisinait, cohabitait, se serrait et se casait, comme un Lapon et un Marocain, un Malgache et un Péruvien coucheraient dans le même sleeping-car. Un Turc aimable, tenant tout à la fois du contrôleur et du janissaire, vous engageait à franchir un rideau derrière lequel un aigre nasillement se mêlait à des trémoussemens saccadés. C’était un concert africain. Vous étiez à Tunis ou à Biskra.