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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/217

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regardons pas de si près, et tout notre souci est surtout devenu d’éviter tout effort. L’effroi, l’horreur de l’effort, n’est-ce pas nous maintenant tout entiers ? Ni du voyage difficile à faire, ni de la langue difficile à parler, ni du mariage difficile à supporter, nous ne voulons plus rien de cela, et la même psychologie est au fond de la loi du divorce, du décret qui supprime les participes, et de celui qui autorise l’ouverture d’une section malaise. La première nous dit : « Pour être marié, tu n’as plus besoin de l’être. » Le second : « Pour écrire le français, tu n’as plus besoin de le savoir. » Et le troisième : « Pour aller en Malaisie, tu n’as plus besoin d’y aller. » Méthodes commodes ! Mais sommes-nous bien sûrs de prendre un bain de mer en mettant un paquet de sel dans notre baignoire, et de revenir de Chine, des Indes ou du Soudan, en revenant du Trocadéro ?

La chronique de l’émigration contient une anecdote symbolique. Un gentilhomme gascon, réfugié dans une petite ville allemande, s’y donne, pour gagner sa vie, comme professeur d’italien. Ignorant, toutefois, foncièrement l’italien, il se contente de faire des cours de gascon, et peut, fort heureusement, regagner sa Gascogne avant qu’un de ses élèves soit allé contrôler, en Italie, l’italien qu’on lui a appris… Il y avait, au Trocadéro, d’attirans et vivans spectacles, mais leur histoire n’en est pas moins un peu celle de l’émigré. On nous y apprenait les pays de l’autre hémisphère, on y tenait école d’exotisme, mais vous faisiez bien de vous demander, en sortant du cours, si on y professait l’italien, ou si on y enseignait le gascon !


MAURICE TALMEYR.