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d’indiquer ici les autres), Louis-Philippe serait appelé au trône, lui et ses descendans, à perpétuité, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture à l’exclusion perpétuelle des femmes et de leurs descendans. Une commission de neuf membres était chargée d’examiner la proposition de M. Bérard et d’apporter son rapport le même jour. Le soir, à huit heures, la Chambre se réunissait de nouveau ; M. Dupin aîné lisait le rapport favorable de la commission ; le lendemain matin, à huit heures, la discussion s’ouvrait ; le nouvel article 16 était adopté sans débat, et la nouvelle rédaction de la Charte était votée tout entière par 219 voix contre 33. Le même jour, à une heure après midi, la Chambre des pairs recevait communication de la délibération de la Chambre des députés, l’adoptait séance tenante, par 89 voix contre 10 et 14 abstentions, après un discours prodigieux de Chateaubriand, et le 9 août, devant les Chambres réunies, Louis-Philippe acceptait la nouvelle charte, jurait de l’observer et était proclamé roi des Français. La plus profonde révolution, qui devait en entraîner bien d’autres, était accomplie sans qu’on s’en fût douté ; ce n’était point d’avoir remplacé une dynastie par une autre : c’était d’avoir fait passer dans les Chambres, même dans les mains de chaque député, la plénitude de l’initiative des lois en toute matière. Personne n’avait compris que c’était le gouvernement par la Chambre des députés qu’on venait d’inaugurer, en même temps qu’on supprimait toute barrière à l’augmentation indéfinie des dépenses publiques. Auparavant, l’initiative appartenant au gouvernement seul, toute l’activité des Chambres s’exerçait dans le contrôle des propositions du pouvoir exécutif, tous leurs efforts se consacraient et se concentraient à défendre les deniers des contribuables. Désormais il n’en devait plus être ainsi : au contraire. C’est une loi psychologique invincible qui porte les assemblées comme les individus à abuser de leurs droits ; pouvant proposer sans limite toutes les lois que chacun de leurs membres est capable d’imaginer, elles cèdent inévitablement à ce penchant ; elles veulent légiférer sans cesse, comme Perrin-Dandin voulait juger toujours, et presque toute loi coûte cher.

Dans le seul pays où le régime parlementaire existe réellement, en Angleterre, l’initiative des Chambres en matière de dépenses est absolument supprimée et s’exerce avec une grande prudence dans les autres domaines. On se garda bien d’imiter cet exemple quand on modifia la constitution, chez nous, en 1830.