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il y eut des « attractions » charmantes : le village Suisse, entre autres, où les longues ravines des pâturages alpestres se prolongeaient si adroitement dans la plaine de Grenelle ; et surtout le stéréorama, ce joujou délicieux où une science exacte de la perspective donnait l’illusion parfaite de la réalité : les amans de la Méditerranée ont retrouvé là plus d’une émotion ancienne, tandis que la côte d’Afrique se déroulait sous leurs yeux, dans la chaude lumière, avec des finesses de coloris qu’un Fromentin n’eût pas désavouées.

Il semble bien que la plus irrésistible attraction résidât dans ces cages de verre où des princesses de cire faisaient valoir, sous une auréole de feux électriques, les « créations » de nos grands couturiers. Bourgeoises élégantes et petites ouvrières, trottins, jeunes filles de la campagne s’écrasaient devant ce Paradis des dames. Avez-vous étudié les regards féminins qui dévoraient la luxueuse tentation ? C’était là une « leçon de choses, » une de ces fameuses leçons de choses de l’Exposition dont on vantait à notre démocratie les heureux effets. — A parler franc, nous doutons qu’on ait jamais imaginé mieux que ces vitrines comme provocation anti-sociale et démoralisatrice.

La faveur du public s’est attachée d’emblée aux diverses expositions rétrospectives. Ces petits cours d’histoire par le bibelot ne sont pas une innovation : il en est plusieurs qui recommençaient au Champ-de-Mars, avec les mêmes élémens, une figuration déjà très bien faite il y a onze ans. La Rétrospective des armées de terre et de mer, particulièrement goûtée, nous a remontré la plupart des objets et portraits catalogués en 1889 au Palais de la Guerre. Récidive intelligente, et qu’on eut grand tort de ne pas imiter à la Centennale de la peinture : cette exhibition partielle et partiale, où tant de bons maîtres sont desservis, aurait gagné à puiser dans les richesses de son aînée ; faute de l’avoir osé, elle risque de fausser le jugement des étrangers, des jeunes gens qui n’ont pas vu en 1889 la magnifique suite des peintres français du XIXe siècle.

Le Petit Palais eut le privilège d’abriter la Rétrospective par excellence, la Rétrospective tout court. Elle conquit d’abord nos suffrages, elle fera époque dans nos souvenirs. La prestigieuse collection fut le triomphe, le centre indiscuté de l’Exposition ; les premières visites étaient pour elle, et l’on y revenait sans cesse. Une habile mise en valeur permettait aux moins érudits de