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dégager la philosophie. Devant une répétition qui ne nous suggère pas la plus légère variante, nous ne pourrions que nous répéter, nous aussi, ces dix années n’ayant pas modifié nos sentimens sur les grandeurs et les erreurs du XIXe siècle.

Accordons, si l’on y tient, que l’épreuve photographique tirée en 1900 accentue par endroits la physionomie connue. L’ordonnance, — ce mot jadis usuel, et qui disparaît avec le besoin qu’il exprimait aux époques où une œuvre d’art, un livre, une fête, une réunion d’édifices, ne valaient que par la subordination de toutes les parties à une idée directrice, — l’ordonnance en est de plus en plus absente. Les efforts individuels se multiplient, intéressans, intelligens, parfois très beaux ou très utiles : rien ne les relie dans l’incohérence et l’anarchie de l’ensemble L’Exposition vous donnait-elle une autre impression ? — Autre trait accentué. Des foules œcuméniques fusionnent dans notre Babel, le long de la rue des Nations, où chaque pavillon garde le caractère ethnique de son pays, de sa race. Cette contradiction d’un cosmopolitisme que tout favorise et d’un nationalisme chaque jour plus intransigeant, plus jaloux partout de maintenir ou de restaurer l’intégrité de la race, de la langue, des lois, des traditions, n’est-ce pas là une des grandes inconnues du problème que notre siècle lègue à son successeur ? Comment se fera la conciliation entre ces deux instincts antagonistes, et après quels conflits ? Bien osé qui se hasarderait à vaticiner sur ce thème.

Revenons donc à la leçon de nos Japonais. Ils ont pu faire leur exposition vraiment intégrale, disions-nous ; en dépit des apparences, la nôtre n’est que partielle, si nous la localisons à Paris. Cette épreuve de notre force porte sur quelques-unes des conditions de la vitalité d’un pays : elle ne peut rien nous apprendre sur les plus essentielles. Nous sommes comme des candidats qui auraient été interrogés à un examen sur quelques matières et non des plus importantes ; l’examinateur suspend son jugement : quelles amères désillusions se prépareraient ces pauvres enfans, s’ils se croyaient reçus !

Nos flatteurs intéressés, à commencer par nos maîtres, nous ont prodigué des éloges qui risquent d’égarer le bon sens de notre peuple. On lui a laissé entendre qu’ayant fait l’Exposition, il est par cela seul le premier peuple du monde ; on ne lui a parlé que de la gloire, de la grandeur, de la puissance dont cette mirifique Exposition était le signe et la garantie suffisante.