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sympathie. Mais il faut reconnaître que, si on juge de la valeur de ce genre de démonstrations par l’éclat bruyant, ou, même par l’intempérance dont elles sont quelquefois accompagnées, nous sommes restés un peu au-dessous de ce qu’on a fait en Angleterre. Il y a eu dans les journaux anglais comme une explosion d’enthousiasme, et le phénomène s’est produit avec une telle unanimité qu’il semblait dû à un mot d’ordre. On a établi tout de suite des analogies imprévues, des ressemblances de situation extrêmement frappantes entre l’Angleterre et les États-Unis, et de là à convier les deux pays à unir leurs destinées, il n’y avait qu’un pas : avons-nous besoin de dire qu’il a été bientôt franchi ? Nous n’en finirions pas s’il fallait citer tous les journaux qui ont célébré la victoire des républicains d’Amérique comme une victoire britannique. « Les États-Unis, dit par exemple Le Globe, acceptent virilement leur destinée évidente, suivant l’expression de leur Président. Désormais ils prennent place parmi les puissances mondiales. Ils ont fait le pas décisif. Nous saluons avec joie l’entrée du jeune géant de l’Ouest dans les conseils des puissances, et nous voyons avec le plus grand plaisir ce nouveau progrès vers l’époque où la voix de la grande race anglo-saxonne sera toute-puissante dans les conseils de l’Univers. » C’est aller un peu vite : on croirait entendre M. Chamberlain lui-même ! Et pourtant il ne faut pas nous dissimuler que, par d’autres procédés que les siens, la politique de M. Chamberlain est en bonne voie de réalisation en Angleterre et ailleurs. Déjà lord Salisbury a opéré avec l’Allemagne un rapprochement au sujet des affaires de Chine : tout donne à croire qu’il en prépare un second avec les États-Unis. S’il y réussit, M. Chamberlain aura été un précurseur, coupable seulement d’avoir parlé trop vite et trop fort. Lord Salisbury sait attendre ; il manie mieux la langue diplomatique ; il a plus d’inflexions et moins d’âpreté dans la voix, plus de nuances et moins de raideur dans l’esprit ; mais il n’en produit que plus d’effet. Et quel autre but, au total, poursuit-il en ce moment, si ce n’est celui de M. Chamberlain ? Rien n’est plus habile, mais aussi rien n’est plus significatif que le langage qu’il a tenu au banquet du Lord-Maire en parlant de l’Allemagne et des États-Unis. Loin d’exagérer l’importance de l’arrangement avec l’Allemagne, qui a été, a-t-il dit, l’objet de commentaires, en d’autres termes qui a pu provoquer certaines susceptibilités, il s’est efforcé de l’atténuer. Il ne veut porter ombrage à personne. Le fait acquis lui suffit : on risquerait d’en perdre le bénéfice à vouloir le trop grossir. Et d’ailleurs de quoi s’agit-il, si ce n’est d’affirmer à nouveau deux